La place Saint-Marc à Venise attire de nombreux touristes. / Matteo Chineliato/NurPhoto

Sept cents personnes supplémentaires pour assurer le maintien de l’ordre aux abords de la place Saint-Marc, des militaires sur les toits, des communiqués martiaux dans les jours précédant l’événement… L’affaire avait été préparée comme une opération militaire. Et finalement, à la surprise générale, les choses se sont passées comme à la parade.

Dimanche 4 février, à 11 heures du matin, Elisa Constantini, 19 ans, désignée en 2017 parmi douze jeunes Vénitiennes comme la « Marie » du carnaval 2017, s’est élancée dans le vide depuis le campanile de la basilique, attachée à un filin. La lumière étant plutôt claire, la jeune femme a pu discerner au loin, vers le nord, les maisons colorées de l’île de Burano, où elle a grandi. Puis, sous un tonnerre d’acclamations, elle s’est posée doucement sur la scène installée au beau milieu de la place Saint-Marc. Les dix jours de festivités pouvaient commencer. Le « vol de l’Ange », premier temps fort du carnaval de Venise, s’est déroulé sans accroc. Mais si les organisateurs ont poussé un soupir de soulagement, à la mi-journée, c’est pour une tout autre raison.

En effet, comme chaque année, l’ouverture du carnaval a été l’occasion d’un déferlement de touristes venus du monde entier. Mais cette fois, pour contenir la foule, les organisateurs ont tenté une expérience inédite : l’instauration d’un « numerus clausus » de 20 000 personnes sur la place. Et si la démonstration des forces de l’ordre, d’une ampleur inédite, était avant tout destinée à prévenir le risque d’attentats, elle visait aussi à faire respecter cette mesure. Pour rendre plus difficile l’arrivée à temps des touristes n’ayant pas dormi sur place, le « vol de l’Ange » a été avancé de quelques heures, tandis qu’à tous les points d’entrée de la place, dès le petit matin, des stewards munis de tablettes ont été postés pour calculer en temps réel l’affluence, et stopper les entrées une fois atteint le chiffre fatidique.

30 millions de visiteurs en 2017

Une expérience similaire avait été tentée une semaine plus tôt le long du canal de Canareggio, théâtre d’un défilé qui marque traditionnellement l’ouverture du « vrai » carnaval, celui des Vénitiens. Elle avait fait craindre le pire, tournant très vite au fiasco. Mais il est bien plus facile de contrôler le trafic sur une place close que le long d’un canal, de même qu’on canalise plus aisément le trafic d’une foule perdue dans la ville que celui d’habitants qui en connaissent tous les secrets…

Le « vol de l’Ange » a ouvert les festivités du carnaval de Venise, le 4 février. / Matteo Chineliato/NurPhoto

Avec près de 30 millions de visiteurs en 2017, Venise est soumise à une pression grandissante. La circulation embouteille complètement les rues et nourrit la colère des résidents. La situation va s’empirant, au point de pousser nombre d’habitants à quitter un centre historique congestionné et hors de prix pour rejoindre les quartiers situés sur la terre ferme. Mais comment réguler le tourisme de masse alors qu’il est devenu la principale ressource de la ville ? L’équation est presque insoluble. Ces derniers mois, plusieurs pistes ont été ébauchées par la mairie : instaurer un système de réservation pour accéder aux lieux les plus courus du centre-ville, limiter les accès aux gares terrestres et maritimes, créer un nouveau parcours pour les navires de croisière… Le « numerus clausus » instauré dimanche en est la première expérimentation concrète.

Cela n’a pas, du reste, empêché l’afflux de visiteurs. Selon les estimations de la Commune de Venise, plus de 120 000 personnes sont arrivées en ville pour la seule journée du 4 février. Un chiffre à ajouter aux dizaines de milliers de touristes déjà sur place, et à mettre en rapport avec la population de la ville : en 2017, le nombre de résidents est passé sous la barre des 54 000.