Martin Fourcade. / Matthias Schrader / AP

Les amateurs d’escrime vont être contents : à Pyeongchang, on risque de reparler de Lucien Gaudin et Christian d’Oriola. Les deux fleurettistes, chacun quadruple champion olympique (respectivement en 1924 puis en 1928 et en 1948 puis 1956), sont les sportifs français les plus titrés de l’histoire aux Jeux olympiques.

Leur position est clairement menacée par Martin Fourcade, déjà nanti de deux titres olympiques obtenus à Sotchi en 2014, qui s’ajoutent à deux médailles d’argent. Avec une médaille d’or, il rejoindrait quelques légendes du sport français déjà titrées trois fois en individuel, comme Jean-Claude Killy (ski alpin), Marie-José Pérec (athlétisme) ou Tony Estanguet (canoë monoplace).

Dans un premier temps, Martin Fourcade s’attachera à les égaler, si possible dès la première épreuve, le sprint (11 février) : « Je vais avant tout essayer d’en chercher une. Ça peut paraître petit joueur, mais j’ai abordé mes premiers championnats du monde juniors en voulant être le roi, et je suis reparti sans médaille. Depuis ce jour-là, j’ai gardé en moi ce truc : “Vas-y humblement”. » Le Français dit ne pas voir au-delà : « Je ne suis pas dans la course aux records parce que je sais qu’ils tomberont un jour. Ce n’est pas ce qui me fait rêver. »

Le niveau d’adversité haussé d’un cran

En Coupe du monde, Martin Fourcade n’est plus tombé du podium depuis dix-sept courses individuelles, du jamais-vu dans l’histoire de ce sport jusqu’alors imprévisible. Sa régularité au tir est telle (91 % de réussite) que, ajoutée à sa rapidité à ski (la deuxième du circuit derrière le Norvégien Johannes Boe), une place dans les trois premiers lui semble toujours promise. Aux championnats du monde 2016 et 2017, Martin Fourcade a remporté sept médailles sur huit possibles en individuel, dont quatre titres. Cette saison, il a multiplié ses passages derrière la carabine, accélérant la cadence, notamment au tir couché.

« Il sera certainement moins tendu qu’avant les JO de Sotchi, car il est déjà double champion olympique » Stéphane Bouthiaux, entraîneur

Dès lors, c’est un euphémisme que de dire que la confiance est dans son camp, même si la stabilité nouvelle de Johannes Boe a haussé d’un cran le niveau d’adversité. « Pour le moment, il est serein, confiant, très bien équipé. Il peut approcher cet événement avec beaucoup de sécurité », disait son entraîneur, Stéphane Bouthiaux, à une semaine du départ pour Pyeongchang. Tout en gardant à l’esprit que, dans la dernière ligne droite, il deviendrait plus difficile à vivre. Dans son autobiographie, Martin Fourcade confie un début de crise de panique la veille de la première épreuve de ­Sotchi, sous l’effet de la pression.

« Comme c’est quelqu’un qui n’est jamais dévoré par les excès de confiance, il se met dans une position de doute systématique, c’est là qu’il va chercher sa force, décrypte Stéphane Bouthiaux. Et quand on doute, on n’est pas les plus heureux ni les plus agréables. Pour autant, il sera certainement moins tendu qu’avant les JO de Sotchi, car il est déjà double champion olympique. »

Le circuit exigeant de Pyeongchang, sur lequel il avait remporté la poursuite et le relais masculin l’an passé en Coupe du monde, lui plaît, avec ses trois ascensions qui favorisent les bons skieurs.

Martin Fourcade à l’entraînement. / FRANCK FIFE / AFP

Des comptes à régler en relais

Des quatre épreuves olympiques, c’est sans doute sur la mass start, un départ en ligne, que Martin Fourcade a le plus de certitudes. Mais c’est en relais, masculin et mixte, qu’il a des comptes à régler. Jusqu’à présent, ils ne lui ont jamais réussi, avec une sixième place pour meilleur résultat.

Fourcade, toutefois, a deux problèmes. Eole et Boe. Les vents forts font craindre à l’entourage du Français des courses ouvertes au hasard, et le hasard n’est jamais bon lorsqu’on a tout fait pour anéantir l’incertitude dans son sport. Quant au Norvégien, il a remis en cause la suprématie du Français en s’imposant huit fois cette année, contre six à Fourcade. Si les courses ne tournent pas à la loterie en raison des conditions météorologiques, l’affrontement entre les deux hommes, qui se prolongera toute la quinzaine, promet d’être un grand duel des Jeux sud-coréens.

« Boe et Fourcade, ce sont deux diamants qui arrivent au sommet de leur sport, ils ne peuvent pas être mieux faits pour le biathlon, commente ­Siegfried Mazet, entraîneur au tir du Norvégien, après l’avoir été pour le Français. Ils ont la taille idéale, le poids idéal, le moteur, la tête. »

Le facteur mental, justement, devrait jouer à l’avantage du Français, plus expérimenté. Mais Fourcade a le désavantage de porter, après le drapeau tricolore, les espoirs d’une nation dont il est la chance la plus sûre de titres olympiques.