Les Coréennes ont perdu, mais la rencontre a été une réussite. / JUNG YEON-JE / AFP

Pas de miracle sur la glace. S’il avait fallu aborder la rencontre Suisse-Corée, en hockey, comme s’il s’était agi d’un match ordinaire, le compte-rendu aurait été sommaire. Face à des Coréennes manquant de repères, les Suissesses se sont imposées en patronnes (8-0), ne laissant que des miettes à leurs adversaires. Solides sur leurs patins, rugueuses crosse en main, les joueuses helvètes ont fait respecter la hiérarchie voulant que les Alpes sont bien plus hautes que leurs homonymes coréennes.

Mais l’essentiel était ailleurs.

S’il s’était agi d’une rencontre ordinaire, elle n’aurait probablement pas eu droit aux honneurs du président du Comité international olympique (CIO), et définitivement pas à ceux de la sœur cadette de Kim Jong-un. Mais ces Jeux olympiques de Pyeongchang ont été pensés comme ceux de la paix, et aucun symbole n’est de trop pour tenter de le démontrer.

Un jour après la cérémonie d’ouverture, et ses multiples gestes symboliques, les spectateurs du Centre hockey de Kwandong, à Gangneung, ont assisté à un moment historique. Pour la première fois depuis leur séparation, une équipe de Corées unies s’est présentée sur la glace. Si face à la Suisse, les joueuses de Sarah Murray ont tenu dix minutes avant d’encaisser un premier but, enclenchant le rouleau compresseur suisse, le spectacle s’est rapidement déplacé dans les tribunes.

Les cheerleaders nord-coréennes assurent le spectacle

Déjà présente à la cérémonie d’ouverture, la sœur cadette de Kim Jong-Un, Kim Yo-jong, a assisté à la rencontre aux côtés de Thomas Bach, du chef de l’Etat nord-coréen, aux fonctions honorifiques, Kim Yong-nam et du président coréen Moon Jae-in. Mais cette tribune illustre a rapidement été éclipsée par la troupe des 230 cheerleaders nord-coréennes ayant accompagné la délégation du pays. Toutes de rouge vêtues, brandissant des drapeaux de la Corée unifiée (une péninsule d’azur sur fond blanc), et encadrées par des chaperons guère engageants, les jeunes femmes ont fait entendre leur voix aux quatre coins de la salle où elles étaient réparties.

La tribune officielle, et les cheerleaders nord-coréennes. / ED JONES / AFP

Et alors qu’une question taraudait les observateurs quant à la réponse du public sud-coréen à cet outil de propagande venu du nord du 38° parallèle, les 3 601 spectacteurs ont repris de bon cœur les chants à la gloire de « l’unité ». Tout comme un peu plus tard - lors d’une pause entre deux tiers-temps - ils se sont enthousiasmés pour les tubes du célèbre groupe de k-pop BTS, venu célébrer ce moment. Comme un peu plus tôt dans la Ice Arena de Gangneung, qui a vu le premier titre olympique d’un de leur compatriote à « leurs » JO (en short-track, sur 1 500 mètres), le public coréen s’est montré enthousiaste, soutenant son équipe jusqu’au bout en dépit de l’aggravation régulière de la marque.

A la fin de la partie, les deux joueuses de l’équipe unifiée ayant gravi vendredi main dans la main l’escalier vers la vasque olympique, Park Jong-ah (pour la Corée du Sud) et Jong Su-hyon (pour celle du Nord) ont répété leur joie d’avoir disputé cette rencontre. Lors d’une conférence de presse millimétrée (où la presse s’était vue signifier en amont que les athlètes et l’organisation se réservaient le droit de ne pas répondre à certaines questions « inadéquates »), les deux femmes ont salué « l’esprit d’équipe » d’un effectif composé au débotté. En se gardant bien de se hasarder sur un terrain politique, quitte à rappeler leur qualité « d’athlètes ».

Reconnaissant la supériorité de la Suisse, la ressortissante nord-coréene a martelé que l’équipe « ne voulait pas perdre mentalement, et souhaitait se battre comme une seule équipe dans un seul objectif. » Félicitée avec ses partenaires à la fin de la rencontre par les occupants de la tribune d’honneur, Park Jong-ah a reconnu « du stress à l’idée de disputer cette rencontre attendue par le monde entier », mais aussi sa « joie de pouvoir être une inspiration » pour la jeunesse coréenne.

Sur la glace, l’espoir aura duré huit minutes, avant que les Suissesses ne le réduisent en miettes. Mais à voir la communion de l’équipe avec le public de la salle, et à entendre les commentaires des spectateurs - dont bon nombre arboraient le drapeau de l’unité - au sortir du match, l’espoir pourrait avoir, in fine, remporté la partie. Et quand bien même, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la mise en coupe réglée de Kim Jong-un sur les JO. La preuve, même la Nord-coréenne Jong Su-hyon s’est départie de sa réserve dans une envolée finale, espérant que « en tant qu’équipe unifiée, nous excellerons. Pas seulement en sport, mais dans d’autres domaines aussi ».