Le président sud-coréen Moon Jae-in, et sa femme Kim Jung-sook, devant le chef de l’Etat nord-coréen, aux fonctions honorifiques, Kim Yong-nam et Kim Yo-jong, la sœur cadette de Kim Jong-un. / Jae C. Hong / AP

Editorial du « Monde ». Ils se déroulent au sud du 38parallèle, mais les Jeux olympiques d’hiver, qui se sont ouverts vendredi 9 février à Pyeongchang, s’annoncent comme les Jeux du Nord. Eclipsant la compétition sportive, le régime du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a réussi ces dernières semaines à dominer la scène médiatique et diplomatique autour des préparatifs.

Dans le mois qui a suivi l’annonce de la partici­pation de 22 athlètes nord-coréens, le dictateur de Pyongyang a imposé son tempo aux discussions sur les équipes conjointes et le cérémonial ; il a fait de l’affirmation de son pouvoir, au-delà du sport, le véritable enjeu de ces JO.

Depuis son élection, en mai 2017, le président sud-coréen, Moon Jae-in, a tout fait pour que ces Jeux soient ceux de la paix et du rapprochement avec le frère ennemi du Nord, dans l’espoir de favoriser la dénucléarisation. De cette première journée, pourtant, ce n’est pas le visage de cet hôte accueillant que l’on retiendra, mais celui d’une jeune femme que le monde découvrait sans le filtre de l’imagerie officielle de Pyongyang : Kim Yo-jong, la sœur cadette de Kim Jong-un.

Une invitation

Première personnalité de la dynastie Kim à la tête du régime à se rendre dans la partie sud de la péninsule depuis la fin de la guerre de Corée, Kim ­Yo-jong a volé la vedette aux dirigeants de Séoul. C’est elle qui, samedi, a transmis au président Moon une invitation à se rendre en Corée du Nord « dès que possible ».

Pyongyang a, certes, fait quelques pas en direction de Séoul, à commencer par le renoncement, depuis le 28 novembre 2017, à tout essai balistique. En retour, M. Moon a demandé aux Etats-Unis de repousser les manœuvres militaires qu’ils devaient organiser avec le Sud, ce qu’ils ont fini par accepter, malgré leurs réticences. Désireux de célébrer ces Jeux de la paix avec la Corée du Nord, M. Moon a également dû demander aux Nations unies de faire une exception pour que des personnalités nord-coréennes sous le coup de sanctions puissent venir au Sud.

Le régime de Kim Jong-un ne s’est pas privé de placer la Corée du Sud en porte- à-faux avec son grand allié américain. A vrai dire, la rhétorique et les Tweet provocateurs du président Donald Trump, qui s’est vanté d’avoir « un plus gros bouton nucléaire » que Kim Jong-un, lui ont facilité la tâche.

Le piège de l’offensive de charme de Pyongyang

Dans la même veine, le rejet par l’entourage de M. Trump de la nomination de Victor Cha comme ambassadeur américain à Séoul, poste vacant depuis un an, n’a pas contribué à mettre de l’huile dans les rouages. Ancien conseiller de George W. Bush, M. Cha ne passe pas pour une ­colombe, mais il a commis le sacrilège de critiquer l’idée de frappes préventives ­contre la Corée du Nord.

Le vice-président américain, Mike Pence, qui dirige la délégation des Etats-Unis aux Jeux, est visiblement déterminé à ne pas tomber dans le piège de l’offensive de charme de Pyongyang. Il a donc refusé de serrer la main du chef de l’Etat nord-coréen, aux fonctions honorifiques, Kim Yong-nam, qui accompagnait la sœur du dictateur à l’ouverture des JO, et s’est éclipsé au bout de quelques minutes de la réception organisée en marge de la cérémonie.

Vue de Washington, une telle intimité avec des hauts personnages du régime dictatorial nord-coréen reviendrait à cautionner la réalité de la puissance nucléaire fraîchement acquise par Pyongyang, en dépit de tous les avertissements de la communauté internationale. Une réalité qui reste inacceptable.