Meggane, l’une des étudiantes qui témoignent dans le cadre de notre série « Voix d’orientation ». / La ZEP via Le Monde

Voix d’orientation. En cette période où de nombreux jeunes font leurs voeux d’études supérieures sur la plate-forme Parcoursup, Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants. Cette semaine, Meggane, 23 ans, en L3 de lettres modernes, à l’université Paris-X Nanterre.

« Les dyslexiques n’ont rien à faire en lettres ». Encore et toujours cette critique blessante. Des mots qui m’empêchent d’avoir confiance en moi.

J’étais en CM2 quand on m’a dit que j’étais « dyslexique ». Un mot bien trop compliqué pour moi. Depuis ce diagnostic, j’ai l’impression d’être différente des autres. Quand on l’apprend, ma mère doit se lancer dans des démarches administratives pour que l’on puisse m’aider. Cette aide consiste à avoir, à l’époque, un devoir différent de ceux de mes camarades de classe. Allez expliquer à vos amis de 10 ans que votre devoir est différent, et donc plus facile que le leur, à cause d’un petit problème.

Les reproches et critiques ont commencé : « Elle est bête ! », « C’est la chouchoute de la prof parce que son devoir est plus simple ». La solitude m’a donc suivie une bonne partie de ma scolarité.

Arrivée au collège, j’ai essayé de faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Honteuse de ce handicap, j’ai demandé à ma mère de ne pas en parler aux enseignants. Je ne voulais pas me sentir rejetée, critiquée ou encore jugée. Dans ces moments d’angoisse, on préfère être en échec scolaire que de se sentir différente des autres.

Ce choix m’a valu d’être menacée de redoublement tous les trimestres. A chaque fin d’année, j’avais cette angoisse. Et de l’incompréhension. Pourquoi vouloir me faire redoubler alors que j’avais entre 9 et 10 de moyenne ? Pour moi, c’était un succès. Or, les profs en faisaient une faiblesse et un échec.

Pendant quatre ans, j’ai dû faire appel pour ne pas redoubler et prouver aux professeurs et même à mes parents que je pouvais réussir l’année suivante. Ce fut certes un combat long et difficile, mais j’ai réussi à avoir mon brevet sans redoubler.

Alors qu’une nouvelle année commençait, dans une nouvelle ville, je me suis dit que ma seconde allait bien se passer. Mais ça a été un retour en enfer. Pour la première fois, j’ai accepté de parler de ma dyslexie et j’ai souhaité faire les choses bien, en instaurant un tiers-temps. Il s’avère que ma prof principale n’était pas du même avis. Pendant quatre mois, elle m’a fait vivre un calvaire : elle n’avait aucun tact et n’hésitait pas à me dire que je n’arriverais à rien. Pour elle, j’étais une illettrée.

J’assistais à ses cours la boule au ventre, redoutant une nouvelle humiliation. Une angoisse que je n’ai pas su gérer. J’ai donc supplié ma mère de me déscolariser et de m’inscrire à des cours à distance. Malgré le bref répit que cette situation m’a donné, la déprime m’a gagnée et j’ai ressenti le besoin de retrouver un rythme et un environnement scolaire classique pour ma première L.

« Des enseignants compréhensifs m’ont aidée à réussir et m’ont appris à ne plus avoir honte »

En première et en terminale, je suis tombée sur des personnes et des enseignants tout à fait compréhensifs qui m’ont aidée à réussir et m’ont appris à ne plus avoir honte. En route vers le bac, je suis partie confiante malgré mes mauvaises notes en gardant toujours en tête les discours de ma prof de philo :

« Vous êtes loin d’être bête, vous travaillez et ça payera. Vous allez avoir le bac, il suffit juste de croire en vous ! »

Malgré un premier échec au bac, je ne baisse pas les bras. Je garde ces discours encourageants en tête et je me réinscris en terminale. Contente de voir que j’avais de nouveau cette prof de philo, je me dis que cette fois-ci j’allais l’avoir. Pour m’améliorer et ne plus avoir peur de l’échec je décide de travailler encore plus en demandant des devoirs supplémentaires. Je n’avais plus de vie à côté des études, mais mon objectif était bel et bien de montrer que même en ayant ce handicap, c’est possible d’avoir un bac L. J’ai certes mis quatre ans à l’avoir, mais ce n’était pas impossible !

Aujourd’hui, je suis en L3 lettres modernes. Je pensais que la mentalité des profs ou des étudiants serait complètement différente. Il s’avère qu’on trouve toujours une exception.

Il y a maintenant une semaine, après avoir reçu une sale note (5/20), je décide d’aller parler à mon enseignante. Son discours m’a choquée. Il était totalement injuste. Elle m’a retiré 5 points car mon orthographe était inadmissible, même si le contenu était intéressant. Je lui explique que je suis dyslexique et que je faisais de mon mieux pour améliorer cela. Alors que je lui demande un moyen de me rattraper, elle me répond :

« Je vous note comme une étudiante de L3. Cela ne se fait pas pour les autres, si je fais du favoritisme et que je vous note différemment. Je ne fais pas de traitement de faveur. »

Donc, demander de l’aide et qu’elle revoie ma note n’est pas « correct » par rapport aux autres ? C’est vrai que les étudiants en lettres sont tous dyslexiques et partent tous avec un handicap !

Alors que j’insiste pour avoir un devoir supplémentaire elle me rétorque :

« Non désolée ce n’est pas possible. Si votre devoir mérite un 5/20, c’est que vous devriez revoir votre orientation. Les dyslexiques qui ont de grosses difficultés, comme vous, n’ont rien à faire en lettres et n’arriveront jamais à avoir les concours pour être enseignants. Réfléchissez plus en détail à votre futur. »

J’ai réussi à avoir mon brevet, mon bac et je compte bien avoir ma licence de lettres. Mon handicap m’a posé énormément de problèmes et m’a poussée à revoir sans arrêt mon orientation. Mais, après une longue réflexion, le soutien de certains professeurs, de ma famille et la découverte d’un cours de journalisme, j’ai trouvé ce vers quoi je veux aller. Ma licence validée, je compte trouver une école de journalisme en alternance, à Paris, pour commencer à faire ce qui me passionne vraiment.

Il ne faut pas faire attention à ces discours discriminatoires, garder en tête ce qu’on aime, et se battre pour.

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