Selon l’insee, en France, 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans vivent dans 720 000 familles recomposées / MADALYN MCGARVEY / REUTERS

L’Insee recense aujourd’hui en France 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans vivant dans 720 000 familles recomposées. Ça représente un peu plus d’un enfant sur dix. « Au quotidien, cela ­nécessite souvent de faire des compromis. Mais c’est surtout lors des successions que la situation peut se révéler très conflictuelle », constate Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris.

D’un côté, il faut protéger le nouveau conjoint pour lui permettre de conserver son cadre de vie.

De l’autre, les droits des enfants nés d’une précédente union doivent être respectés. « Préserver les intérêts patrimoniaux de chacun reste possible à condition de l’anticiper et d’en discuter avec tous les membres de la famille », ajoute Nathalie Couzigou-Suhas.

Chaque famille recomposée a son ­histoire et doit bénéficier de conseils sur mesure. « Il faut tenir compte du patrimoine du couple et de la présence ou non d’enfant d’une précédente union », remarque Catherine Costa, directrice du pôle solutions patrimoniales chez ­Natixis Wealth Management.

Pour protéger le nouveau conjoint, le choix du statut est primordial. Après un divorce compliqué, certains ­couples préfèrent opter pour un pacte civil de solidarité (PACS). Accompagné d’un testament, il permet de transmettre au partenaire des biens sans payer de droits. Mais il reste moins protecteur que le mariage puisque le pacsé ne peut recevoir qu’une part limitée des biens et n’a pas le droit de toucher la pension de réversion, qui est réservée aux conjoints.

Donation entre époux

Pour ceux qui souhaitent se remarier, le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts (sans contrat) peut être judicieux si les ressources des époux sont déséquilibrées, puisque les revenus et les biens acquis après le ­mariage sont communs. Mais, quand cela est possible, la séparation de biens doit être privilégiée. « Elle permet de ­cloisonner le patrimoine de chaque époux, ce qui réduit les risques de ­litige », estime Catherine Costa. Dans ce régime, chaque époux est propriétaire des biens qu’il acquiert avant et pendant le mariage.

Une alternative consiste à désigner le conjoint survivant comme bénéficiaire d’un contrat ­d’assurance-vie

En présence d’enfant d’une précédente union, le conjoint survivant ne peut recevoir qu’un quart du patrimoine. Mais il peut rester toute sa vie dans le logement familial et bénéficier de la pension de réversion, au prorata de la durée du mariage. Sa protection peut encore être améliorée grâce à un testament ou une donation entre époux. « Cela permet de lui transmettre, par exemple, l’usufruit de certains biens qu’il pourra conserver jusqu’à son décès, qui reviendra ensuite aux ­enfants », ­précise Catherine Costa. Cette solution est néanmoins à proscrire si l’écart d’âge entre le conjoint et les enfants est réduit. « Elle peut ­générer des tensions puisque ces ­derniers n’en hériteront que tardivement », rappelle Nathalie Couzigou-Suhas.

Dans ce cas, une alternative consiste à désigner le conjoint survivant comme bénéficiaire d’un contrat ­d’assurance-vie, en prenant soin de ne pas lui transmettre des sommes trop importantes. En effet, le bénéficiaire échappe aux règles de la succession et aux contraintes de la réserve héréditaire qui attribuent obligatoirement une part du patrimoine à chaque ­enfant. Cependant, si les primes ­versées au conjoint survivant sont trop élevées, les enfants peuvent ­toujours les contester devant un tribunal en estimant que cela réduit leur part… ­Elles doivent donc rester raisonnables par rapport au patrimoine du couple.

Un époux peut aussi procéder à un legs « graduel » qui lui permet de ­transmettre un bien en deux temps, d’abord au conjoint survivant, puis à ses enfants. Pour assurer l’égalité entre les enfants issus d’une précédente union et du mariage actuel, les parents doivent privilégier la donation-partage qui permet de figer la valeur des biens transmis au jour de la donation. Elle peut être consentie à tous les enfants, même non communs.

Créer un lien de filiation

Il est possible d’aller plus loin encore en envisageant l’adoption « simple » de l’enfant de son conjoint. Cette procédure permet de créer un lien de filiation et engendre des effets en ­matière d’autorité parentale, d’obligation alimentaire et de succession. L’adopté ­devient héritier de l’adoptant. Les donations qu’il reçoit sont donc taxées au ­barème avantageux entre ­parent et ­enfant. Pour y ­parvenir, des conditions strictes (âge, ­accord des ­parents biologiques s’il est mineur…) sont imposées. « L’adoption doit être maniée avec ­précaution, met en garde Nathalie Couzigou-Suhas. Cette décision doit recueillir l’adhésion de toute la famille. »