Hun Sen est depuis 2015 président de la formation politique au pouvoir au Cambodge, le Parti du peuple cambodgien. / Pring Samrang / REUTERS

A 65 ans, le premier ministre cambodgien, Hun Sen, est une star des réseaux sociaux. A la tête depuis trente-trois ans d’un pays de 15 millions d’habitants, il est l’un des hommes politiques les plus « likés » du monde, avec plus de 9 millions de « j’aime » sur sa page Facebook, ouverte en septembre 2015. A titre comparatif, il est certes loin derrière l’ancien président des Etats-Unis Barack Obama (55 millions de « like »), mais bien devant le chef d’Etat français Emmanuel Macron, qui n’engrange « que » 2 millions de pouces levés.

Une popularité que l’ancien chef de l’opposition cambodgienne Sam Rainsy actuellement en exil – doté pour sa part de 4 millions et demi de « likes » – juge factice. Ce dernier a déposé jeudi 8 février un recours en justice devant un tribunal fédéral de San Francisco contre Facebook, rapport l’Agence France-Presse (AFP). Objectif : obliger le réseau social à produire des informations sur le compte de Hun Sen. Il entend ainsi démontrer que l’inamovible homme fort du Cambodge aurait acheté des millions de mentions « j’aime » pour ses publications, via des « fermes à clics », entreprises qui rémunèrent des internautes pour « aimer » des pages – pour asseoir son autorité en vue des élections législatives de juillet 2018.

Un combat politique

« Ces dernières années, la plate-forme Facebook a été détournée et manipulée par le dictateur tyrannique du Cambodge, avec l’intention de conserver le pouvoir à tout prix », a déclaré dans un communiqué l’avocat de Sam Rainsy. Il a ajouté que cette « requête soulève des questions fondamentales sur la façon dont Facebook devrait appréhender les personnes qui enfreignent les droits de l’homme pour manipuler des élections ».

Un porte-parole de Facebook a refusé de s’exprimer sur ce recours. Il a précisé à l’AFP que le réseau social traitait avec beaucoup de sérieux les faux comptes et les activités non authentiques. En 2016, une analyse de l’entreprise SocialBakers, spécialisée dans les outils de mesure d’engagement sur les réseaux sociaux, révélait que la majorité des « j’aime » sur la page Facebook de Hun Sen émanait d’Inde, des Philippines ou même du Brésil. Cette même année, le porte-parole du parti au pouvoir démentait déjà : « Si nous avons de l’argent, nous construisons des routes, des ponts et des hôpitaux. Nous ne dépenserions pas de l’argent pour l’achat de “likes” sur Facebook. »

Au Cambodge, la plate-forme de Mark Zuckerberg est devenue un outil de communication primordial pour le pouvoir, notamment pour essayer de toucher la jeunesse. Celui que ses opposants surnomment « le premier ministre de Facebook » y met quotidiennement en scène sa vie professionnelle ou privée.

L’autoritaire premier ministre ne souffre plus d’aucune opposition politique depuis la dissolution en novembre de la principale formation d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), que dirigeait Sam Rainsy. Vivant en exil en France, ce dernier est quant à lui visé par des poursuites pénales au Cambodge. Il est accusé de diffamation pour avoir mis en doute la légitimité de ces fameuses mentions « j’aime » sur le compte de Hun Sen.