Quand ils sont entrés dans les salons de la présidence sud-africaine, à Pretoria, dans la nuit du lundi 12 au mardi 13 février, le président de la République, Jacob Zuma, les attendait. Il n’a pas fait de remarque sur l’heure tardive, plus de minuit. Or, lors de la visite d’une délégation venue lui demander de démissionner en douceur le 4 février, il avait tancé les responsables de l’ANC en leur reprochant d’arriver à une heure indue.

Ace Magashule, secrétaire général du Congrès national africain (ANC), ex-plus proche allié de Zuma, accompagné de son ancien ennemi devenu président du parti, Cyril Ramaphosa, ont exposé « cordialement » au chef de l’Etat ce qu’on attendait de lui : qu’il consente à quitter ses fonctions. Toujours en souplesse, mais avec le poids des instances dirigeantes du parti derrière eux, cette fois, contrairement à la tentative précédente.

Alors, selon Ace Magashule, Jacob Zuma les a écoutés, a fait semblant de comprendre et d’approuver leur approche, puis a ajouté une exigence, celle de se voir donner « entre trois à six mois » pour se préparer à cette démission. C’était soit se moquer du monde, soit compter sur un coup de poker. Mais c’était un « non ».

Les deux responsables de l’ANC s’en sont donc retournés dans la nuit vers la réunion du Comité national exécutif (NEC) qui se poursuivait dans la banlieue de Pretoria, afin de porter la nouvelle. Les « 84, 85 délégués » – Ace Magashule n’est plus très sûr du nombre, il n’a pas dû dormir beaucoup – ont encore longuement débattu, avant de se séparer à 3 heures du matin, ayant laborieusement arrêté une solution au problème Zuma : le « rappel » du chef de l’Etat.

Pas de « deadline »

Le rappel, c’est la demande, polie mais pressante, du NEC faite à un cadre de cesser ses fonctions. Un mécanisme issu du centralisme démocratique de l’ANC. Jacob Zuma va-t-il s’y plier ? Il peut s’y refuser, la décision n’étant contraignante que vis-à-vis de la constitution de l’ANC. Quand est-il supposé apporter une réponse ? « Demain » (mercredi), a assuré Ace Magashule, qui s’exprimait dans le cadre d’une conférence de presse au siège de l’ANC, à Johannesburg, « mais ce n’est pas une deadline ».

Et d’insister sur la nécessité de maintenir « une interaction permanente avec le président ». Pour un peu, il lui jetterait des fleurs. Il assure d’ailleurs que « le président Zuma n’a rien fait de mal » et que ce rappel est seulement motivé par la nécessité de « ne pas avoir deux centres de pouvoir au sein de l’ANC ». Sachant que Cyril Ramaphosa est le président du parti, il doit, selon ce raisonnement inédit et dégageant une énorme fumée, être également celui du pays.

La vérité est que l’ANC a fait du chemin en arrivant à ce rappel, mais demeure tétanisée à l’idée de devoir passer à une mesure contraignante, non par peur des punitions mais parce que cela exposerait crûment son échec de fond dans le choix de Jacob Zuma pour diriger le pays. Le chef de l’Etat est élu par les députés du parti qui obtient la majorité aux élections, au cours desquelles les électeurs votent pour des listes de partis, et pas des personnes. Le parti est donc engagé par le « choix » de son candidat, qui se trouve être immanquablement, jusqu’ici, le président de l’ANC, élu un an et demi plus tôt lors d’une conférence élective nationale.

Dans le cas où Jacob Zuma déciderait de refuser l’ordre donné par ce rappel et de faire de la résistance – il en a le droit, d’un point de vue légal –, l’ANC devra passer à la vitesse supérieure en mettant en place une procédure de démission forcée par le biais d’une motion de défiance au Parlement.