Lu Wei (à gauche) avec Xi Jinping, le président chinois, et Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, à Redmond, dans l’Etat de Washington, le 23 septembre 2015. / Ted S. Warren / AP

Du temps de sa splendeur, Lu Wei, grand ordonnateur de l’Internet chinois, pouvait s’asseoir sans vergogne et tout sourire dans le siège de Mark Zuckerberg en personne. La photo avait été diffusée par les médias officiels de l’ex-Empire du milieu lors d’une visite du haut dirigeant à la Silicon Valley en 2014. Sur le bureau du fondateur de Facebook était même posé le livre de Xi Jinping, le numéro un chinois.

Les géants américains de l’Internet – avides d’avoir accès au marché chinois mais dont les sites sont bloqués – courtisaient l’homme qui dirigeait l’administration du cyberespace chinois et occupait également le poste de numéro deux du département de la propagande. Jovial mais ferme politiquement, il contrôlait l’accès aux 700 millions d’internautes du pays et défendait le concept de « souveraineté numérique » mis en avant par la puissance asiatique. C’était le temps de la splendeur pour cet ancien journaliste de l’agence officielle Chine Nouvelle devenu grand censeur et serviteur zélé de la mise au pas du Net.

« Un exemple typique de duplicité »

Mais à 68 ans la chute est spectaculaire : juste après le XIXe congrès du parti communiste chinois (PCC), qui a vu en octobre 2017 le mandat de M. Xi renouvelé pour cinq ans, les autorités ont annoncé que Lu Wei était l’objet d’une enquête diligentée par la commission centrale pour la discipline du PCC, l’agence anti-corruption tant redoutée depuis que Xi Jinping en a fait un outil politique de premier plan.

Mardi 13 février, un communiqué officiel a sonné le glas : Lu Wei est exclu du PCC et de tout poste officiel. Le texte dresse de lui le portrait d’un cadre immoral, dépravé et véreux qui a trahi le Parti, « défié les règles, agi de façon arbitraire et émis des critiques sans fondement sur les décisions et les politiques du comité central ». Il est également accusé d’avoir usé de son pouvoir pour obtenir des gains personnels, « fréquenté des lieux luxueux » et enfreint le « code de frugalité » mis en place par M. Xi.

Comble de l’abomination, il est mis en cause pour avoir voulu « former des factions et des cliques ». « Lu est un exemple typique de duplicité », ont jugé les enquêteurs anti-corruption, précisant que ses « gains illégaux » seront confisqués et son dossier transféré à la justice. Au même moment, la chute d’un autre « tigre » était annoncée, également pour corruption : celle de Sun Zhengcai, un temps présenté comme le dauphin de Xi Jinping. Macbeth au royaume de Confucius.