Pour remettre d’aplomb le système de santé français, pas de moyens financiers supplémentaires pour des postes d’infirmière ou d’aide-soignante, mais une ambitieuse « réforme globale » de l’offre de soins. C’est ce qu’ont annoncé le premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre de la santé, Agnès Buzyn, mardi 13 février, lors d’un déplacement à l’hôpital d’Eaubonne (Val-d’Oise).

Pour donner davantage de cohérence à des réformes jusqu’à présent annoncées les unes indépendamment des autres, plusieurs chantiers ont été regroupés sous la bannière de ce qui s’appelle désormais la « stratégie de transformation du système de santé ». Cinq grands thèmes sont abordés :

  • la qualité et la pertinence des soins ;
  • les modes de financement et les rémunérations ;
  • le numérique en santé ;
  • les ressources humaines ;
  • l’organisation territoriale.

Un programme copieux qui intervient après plusieurs prises de positions très critiques de Mme Buzyn sur le fonctionnement actuel de l’offre de soins. « Sur l’hôpital, nous sommes arrivés au bout d’un système », avait-elle ainsi déclaré en décembre 2017 à Libération. « En parlant de changer de logiciel, Agnès Buzyn a mis la barre très haut, il faut maintenant qu’elle soit à la hauteur des constats », estimait Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France, la structure représentant les établissements publics, avant la présentation du plan.

Délibérément flou

Sur certains points, le programme est délibérément encore bien flou, afin de laisser des marges aux acteurs du système de santé qui plancheront sur certains de ces sujets de mars à mai. Une feuille de route détaillée sera ensuite présentée par le gouvernement « avant l’été ». Un budget de 100 millions d’euros sera par ailleurs consacré chaque année à « l’accompagnement » de ces transformations.

En dehors de ce budget dédié, Edouard Philippe et Agnès Buzyn ne desserrent néanmoins pas la contrainte budgétaire imposée depuis plusieurs années à un monde hospitalier à bout de souffle, traversé par de fortes tensions. Conformément à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, ils proposent en revanche de « corriger » et de « rééquilibrer » la tarification à l’activité, qui pousse les hôpitaux à réaliser toujours davantage d’actes pour obtenir des financements. Une réforme que n’avait pas menée Marisol Touraine lors de ses cinq années au ministère de la santé, malgré la promesse faite en 2012 par François Hollande d’en finir avec « l’hôpital entreprise ».

Pas de précipitation pour autant : si de nouvelles façons de financer certains soins hospitaliers doivent bien être expérimentées dès cette année, ce n’est que « d’ici la fin de l’année 2019 » que des nouveaux modèles de financement seront proposés par une équipe dédiée. Ceux-ci devront « mieux refléter l’état de la population » et « mieux tenir compte de la prévention et de la qualité des soins ». La réforme devra également concerner la médecine de ville, « pour laquelle la différentiation des modes de rémunérations doit aussi s’accélérer ».

Mesure systématique de la satisfaction des patients

Un projet dont la philosophie devrait satisfaire ceux qui combattent de longue date les effets « pervers » de la tarification à l’activité, comme le diabétologue André Grimaldi, figure du mouvement de défense de l’hôpital public. Estimant qu’« on est arrivé au bout de la logique de rafistolage à l’hôpital », il s’interroge cependant sur les moyens dont disposera Mme Buzyn pour mener sa réforme. « Nous ne sommes ni en 1945 ni en 1958 [année de création des CHU], les temps ne sont pas à une vaste remise à plat », dit-il.

Autre réforme annoncée mardi : la meilleure prise en compte de la qualité. La Haute autorité de santé devra proposer dès 2018 des « indicateurs de qualité des parcours » de soins des patients portant sur les dix pathologies les plus fréquentes, avant la systématisation de ces indicateurs en 2019.

La satisfaction des patients devra également être « systématiquement mesurée ». Des propositions pour « améliorer, dans les pratiques, la pertinence des soins » devront être faites d’ici cet été par plusieurs acteurs du système de santé. En octobre 2017, Agnès Buzyn avait jugé que 30 % des dépenses « ne sont pas pertinentes ».

Outre la montée en puissance de la télémédecine, le gouvernement fixe enfin pour objectif la fin de l’ordonnance sur papier d’ici 2022, avec la « dématérialisation de l’intégralité des prescriptions » et l’accessibilité en ligne, pour chaque patient « de l’ensemble de ses données médicales ».