CAC 40. / ERIC PIERMONT / AFP

Quatre ans après avoir été choisie par Gérard Mestrallet pour assurer sa succession à la tête d’Engie, deux ans après avoir pris la direction générale, Isabelle Kocher s’est vu refuser la présidence de l’énergéticien. Est-ce un désaveu ? Oui et non.

En France, en effet, le cumul du mandat de président et de directeur général reste le modèle dominant. Selon les calculs du cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, 57,5 % des entreprises du CAC 40 ont à leur tête un PDG. Ce mode de gouvernance apparaît, toutefois, comme une exception en Europe : seulement 10 % des entreprises appartenant à l’indice Stoxx Europe 600, regroupant les grandes valeurs européennes, sont dirigées par un PDG.

Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, le chairman et le chief executive officer se partagent le plus souvent les rôles, comme le président et l’administrateur délégué en Italie. « La dissociation est un principe de bonne gouvernance. Le président anime le conseil d’administration qui nomme les dirigeants et contrôle la bonne mise en œuvre de la stratégie. L’absence de dissociation revient à dire que le PDG doit se contrôler lui-même. On voit bien que cela pose un problème », souligne Charles Pinel, associé chez Proxinvest.

Cette analyse ne prospère guère en France, où le pouvoir ne se partage pas, sauf affaire de circonstance. Ainsi, à mesure que les parrains du CAC 40 ont été rattrapés par l’âge, beaucoup ont abandonné dans un premier temps les rênes opérationnelles, conservant la présidence le plus longtemps possible. La dissociation est alors vue comme une transition en attendant que le dauphin fasse ses preuves. A ce jeu, Patrick Pouyanné a été le plus rapide : nommé directeur général de Total en octobre 2014 après le décès de Christophe de Margerie, il a été intronisé PDG dès décembre 2015.

Aucune femme n’a été PDG du CAC 40

Chez Veolia, Antoine Frérot n’a eu à passer qu’un an entre deux eaux, le temps qu’Henri Proglio, resté président du spécialiste de l’environnement après sa nomination comme PDG d’EDF, démissionne, sous la pression du gouvernement.

L’attente avait été de trois ans pour Pierre-André de Chalendar (Saint-Gobain) et Emmanuel Faber (Danone), de cinq ans pour Jean-Paul Agon (L’Oréal). Le plus patient aura été Henri de Castries, nommé PDG de l’assureur AXA en 2010, après en avoir été pendant dix ans le président du directoire. Jacques Aschenbroich, lui, a été nommé PDG de l’équipementier automobile Valeo en 2016, au bout de sept ans à la direction générale.

L’Etat assure que désormais il veut voir deux têtes dépasser dans les entreprises dont il est actionnaire. C’est déjà le cas chez Safran, Airbus, CNP ou Orano (ex-Areva). Mais pas chez Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris), Air France KLM, Thales, Renault ou Orange. La formule n’a pas que des avantages, comme EDF l’a illustré, dans les années 1990.

Le groupe d’électricité, organisé en direction bicéphale depuis sa création en 1946, a été marqué entre 1996 et 1998 par une guerre – souvent larvée, parfois ouverte – entre le président, Edmond Alphandéry, qui voulait contrôler l’entreprise, et Pierre Daurès, le directeur général, un homme du sérail soutenu par les grands barons du groupe. Le premier ministre, Lionel Jospin, avait fini par pousser les deux hommes à la démission en juin 1998. Les quatre patrons suivants ont été investis des pleins pouvoirs…

Seule constante, jamais aucune femme n’a été PDG du CAC 40. Deux directrices générales ont émergé – l’Américaine Patricia Russo chez Alcatel-Lucent (2006-2008) et Isabelle Kocher chez Engie. Depuis janvier 2016, Sophie Bellon est présidente de Sodexo.