Le tribunal correctionnel de Pontoise a considéré, mardi 13 février, qu’il ne disposait pas des éléments suffisants pour juger un homme de 28 ans, renvoyé pour « atteinte sexuelle » d’une mineure de 11 ans. Il a en conséquence reporté sine die le procès en demandant au parquet une nouvelle enquête afin de déterminer si les faits doivent être ou non requalifiés en « viol ».

Cette décision a été prise à l’issue d’une audience à huis clos, sollicitée par l’avocate de la plaignante mineure, Me Carine Diebolt, en présence du prévenu qui comparaissait détenu pour autre cause. Le tribunal a ainsi tenu compte de l’émotion suscitée par cette affaire révélée en septembre 2017 par le site Mediapart et du débat national qu’elle a lancé sur la question du consentement sexuel des mineurs. En avril 2017, Sarah (le prénom a été modifié) avait accepté de suivre un homme qui l’avait abordée à plusieurs reprises dans la rue et avait eu avec lui une relation sexuelle dans un immeuble d’une cité du Val-d’Oise.

« Sidération »

Saisi d’une plainte pour « viol » déposée par les parents de l’adolescente, le parquet de Pontoise avait considéré, après une rapide enquête de police, que la qualification criminelle ne pouvait pas être retenue puisque la relation sexuelle avait eu lieu « sans violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise ». Le parquet avait en conséquence décidé de renvoyer le jeune homme devant le tribunal correctionnel pour « atteinte sexuelle » – un délit punissable de cinq ans de prison – et non pour « viol » devant la cour d’assises où il encourait une peine de vingt ans.

Cette position a été réitérée à l’audience par le procureur de la République, qui a estimé que les éléments de contrainte physique ou morale n’étaient pas réunis, Sarah ayant eu à plusieurs reprises l’occasion de s’en aller. La défense du prévenu a pour sa part fait valoir que celui-ci ignorait l’âge de la collégienne, qui a « l’apparence physique d’une fille de plus de 15 ans. » « Vous n’avez pas affaire à un prédateur sexuel sur une pauvre oie blanche » mais à « une adolescente, et une adolescente qui a une pratique de jeux sexuels et une attitude de mise en danger », a observé Me Sandrine Parise-Heideger.

A ces arguments, les avocats de la plaignante et ceux de plusieurs associations de protection de l’enfance qui se sont constituées parties civiles, avaient opposé le fait que le consentement d’une mineure de 11 ans n’était pas envisageable et que Sarah a agi en état de « sidération. » Ils ont en conséquence demandé au tribunal de se déclarer incompétent afin d’obtenir du parquet qu’il reconsidère le dossier.

Projet de loi en cours

Le tribunal a fait droit à leur demande. Le parquet a désormais la possibilité de mener lui-même des actes d’enquête complémentaires – nouvelles auditions, expertises psychologiques, ou de désigner un juge d’instruction. Si cette deuxième solution, qui apparaît la plus probable, est retenue, il reviendra au juge de décider s’il renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel ou devant une cour d’assises s’il retient la qualification de viol.

Cette affaire, ainsi que le verdict d’acquittement rendu en novembre 2017 par la cour d’assises de Seine-et-Marne en faveur d’un homme accusé d’avoir violé une fille de 11 ans – verdict dont le parquet a fait appel – ont incité le gouvernement à proposer un projet de loi établissant une « présomption de non-consentement » des mineurs en matière sexuelle qui doit être soumis au conseil des ministres le 7 mars. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes préconise d’établir à 13 ans l’âge de ce consentement. Dans un rapport rendu jeudi 8 février, le Sénat suggère d’instituer une « présomption de contrainte » plutôt que l’instauration d’un âge minimum.