Maître Alain Jakubowicz, l’avocat de Nordahl Lelandais. / JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Un « grand soulagement ». C’est le sentiment qu’Alain Jakubowicz, avocat de Nordahl Lelandais, a dit ressentir après les aveux de son client dans l’affaire de la petite Maëlys. Longtemps mutique dans cette enquête pour enlèvement, l’avocat a pris la parole mercredi 14 février au soir pour adresser ses « pensées » à la fillette et à ses parents, après que M. Lelandais a reconnu avoir tué « involontairement » Maëlys. Un revirement de son client qui a beaucoup « ému » son avocat, selon ses dires.

Me Jakubowicz est pourtant rompu aux affaires difficiles, et éprouvantes. Cet avocat pénaliste, plutôt spécialiste du droit des affaires, est notamment connu pour avoir participé, aux côtés des familles de victimes, aux procès de grandes figures antisémites ou collaborationnistes du gouvernement de Vichy.

Procès Barbie, Touvier, Papon

Il fut notamment engagé aux côtés du Consistoire israélite de France lors du procès de Klaus Barbie, le « Boucher de Lyon », en 1987 ; de Paul Touvier – premier procès retenant le chef d’inculpation de crime contre l’humanité pour un collaborateur français – en 1994 ; ou encore, en 1997, de Maurice Papon, qui fut condamné pour complicité de crime contre l’humanité pour sa participation à la déportation des Juifs de Gironde.

Plus récemment, il a aussi défendu les familles des victimes au procès de l’incendie du tunnel du Mont-Blanc en 2005, ou de la catastrophe du vol Rio-Paris en 2009.

Mais c’est son accès à la présidence de la Licra, en 2010, qui lui forge véritablement une image médiatique. Fils d’une mère autrichienne et d’un père polonais, descendant d’une famille dont tous les parents restés en Pologne ont été exterminés durant la seconde guerre mondiale, il s’engage alors contre tous les racismes, y compris anti-Blancs.

Sa confession juive lui vaut, à cette époque, d’être une cible dans les spectacles de Dieudonné. Un homme qui, parce que juif, aurait « le pouvoir de convoquer le premier ministre pour lui donner des instructions », répète l’humoriste controversé. La Licra, par la voix de son président, mène alors un combat virulent contre Dieudonné, qu’elle poursuit en justice et dont elle obtient la condamnation.

« Le dossier, tout le dossier, rien que le dossier »

Mais en septembre 2017, Alain Jakubowicz revient sur la scène médiatique dans un tout autre registre. L’avocat reprend la défense de Nordahl Lelandais, principal suspect dans ce qui est encore une affaire de disparition d’enfant : Maëlys, 9 ans, lors d’un mariage dans l’Isère, dans la nuit du 26 au 27 août.

Il choisit alors la stratégie du silence ; mais un silence offensif. Ses apparitions dans les médias sont rares, il se concentre sur la procédure, dont il exploite les failles.

A la fin d’octobre, il obtient le report de l’audition de son client, faute d’avoir eu toutes les pièces du dossier. Il porte ensuite plainte pour violation du secret de l’instruction, en raison de multiples fuites dans la presse. A la fin d’octobre toujours, il dépose une requête en nullité qui aboutit à l’annulation des premières auditions de Nordahl Lelandais : sa première garde à vue n’avait pas été filmée, contrairement aux exigences du code pénal.

Est-il convaincu de l’innocence de son client, également soupçonné d’autres affaires de disparition et de meurtre ? « Cela ne vous regarde pas », avait-il froidement lancé à Yves Calvi, sur RTL. Il ne regarde « que le dossier, tout le dossier, et rien que le dossier », dont il souligne les incohérences, notamment les témoignages discordants sur l’heure de la disparition de la fillette. Certains, en effet, semblaient mettre son client hors de cause.

« Fier d’assister un homme qui a été traîné dans la boue »

A partir du mois de décembre, il sort de son silence et s’attache à défendre publiquement son client, souvent avec pugnacité. Sur RTL le 24 janvier, il est sentencieux.

« Je suis l’avocat d’un homme qui est accusé du pire crime qui puisse exister. Et je constate qu’il y a un nombre considérable d’incohérences dans ce dossier. On est tellement convaincu que c’est lui qu’on néglige toute autre piste. Cela est tout simplement révoltant. »

Ses prises de parole ciblent particulièrement les « délires médiatiques qui nuisent à la manifestation de la vérité, à la présomption d’innocence et au secret de l’instruction », comme il l’assène le 8 février, à l’issue de l’audience en appel examinant la demande de remise en liberté de M. Lelandais déposé début janvier.

Mercredi 14 février, pourtant, Nordahl Lelandais avoue avoir tué la fillette, et avoir dissimulé son corps, dont des restes ont été retrouvés par les enquêteurs. Lorsqu’il prend la parole, mercredi soir, Alain Jakubowicz ne cache pas son émotion. « Manifestement, il m’avait menti, comme il a menti à tout le monde », déclare-t-il devant les caméras. Me Jakubowicz n’a pas laissé sa mission d’avocat. 

« Je tiens à le dire, je suis fier d’assister un homme qui a été traîné dans la boue et que l’on traite de serial killer sans l’ombre d’un commencement de preuve […] Nordahl Lelandais est un homme qui fait partie de notre communauté des humains, et c’est le rôle d’un avocat d’être à ses côtés. »