Après des années de vifs débats, le Parlement marocain a définitivement adopté, mercredi 14 février, une loi contre les violences faites aux femmes. Mais ce texte, discuté depuis cinq ans, est jugé insuffisant par les mouvements féministes.

« Grâce à Dieu ! », s’est félicitée sur sa page Facebook Bassima Hakkaoui, la ministre marocaine de la famille, de la femme et de la solidarité, issue du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) qui conduit la coalition gouvernementale. Le texte, qui a été initié en 2013 et a été amendé de nombreuses fois depuis, a été définitivement adopté par la première chambre en deuxième lecture, a précisé la ministre.

La loi incrimine pour la première fois « certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement », selon une note du ministère de la famille. Elle durcit également les sanctions pour certains cas et prévoit des « mécanismes pour prendre en charge les femmes victimes » de violences.

Impunité du viol conjugal

« Le texte ne prend pas en compte les définitions internationales en matière de violences à l’égard des femmes. Le viol conjugal n’est par exemple pas puni », a réagi Nouzha Skalli, militante pour l’égalité des sexes et ex-ministre chargée des droits des femmes. « Cette loi ne modifie que quelques articles du Code pénal, alors que celui-ci reste fondamentalement basé sur des concepts obsolètes, comme l’atteinte à la pudeur publique ou la pénalisation des relations sexuelles hors mariage », a-t-elle poursuivi, regrettant « l’absence d’un esprit de consensus » dans l’élaboration du texte.

Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) a également regretté l’impunité du viol conjugal, se disant « consterné par la persistance au sein du Parlement de mentalités rétrogrades et misogynes ».

Au Maroc, médias et ONG tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur le fléau de la violence subie par les femmes, en particulier le harcèlement dont elles sont victimes dans l’espace public. Dans un pays qui se veut, selon le discours officiel, chantre d’un islam tolérant et où les femmes n’ont pas l’obligation de porter le voile, marcher seule dans la rue relève parfois du parcours de la combattante : remarques désobligeantes et insultes y sont fréquentes.

Agression collective dans un bus

Ces dernières années, plusieurs cas d’agressions ont défrayé la chronique. Le sujet a été remis au cœur du débat en août 2017 avec une vidéo montrant une agression sexuelle collective contre une jeune femme dans un bus de Casablanca. Le gouvernement avait alors promis une « stratégie » pour lutter contre ce fléau.

Selon une récente enquête publiée par le Haut-Commissariat au plan (HCP), l’organisme de statistiques marocain, 40,6 % des femmes en milieu urbain âgées de 18 à 64 ans ont déclaré avoir été « victimes au moins une fois d’un acte de violence ». Les lieux publics sont les endroits où la violence à l’égard des femmes est la plus manifeste, d’après une étude de l’Observatoire national de la violence faite aux femmes.

Sur les réseaux sociaux, les commentaires notent avec amusement que le texte a été adopté le jour de la Saint-Valentin.