Laeticia Hallyday, avec ses filles Jade et Joy, Laura Smet et David Smet, lors des funérailles de Johnny Hallyday. / YOAN VALAT/AFP

La bataille pour l’héritage de Johnny Hallyday, dont le testament est contesté par ses deux aînés, a connu un rebondissement, jeudi 15 février. Selon des documents présentés par RTL et Le Point comme le dernier testament de la star, rédigé en anglais en juillet 2014 à Los Angeles, devant notaire, le chanteur avait délibérément écarté ses deux premiers enfants, Laura et David, car il leur avait fait des donations de son vivant.

« La vérité des montages juridiques et la vérité des chiffres seront bientôt établies par la justice », a réagi Laura Smet, vendredi 16 février, dans un communiqué.

Le Monde fait le point sur les questions que soulève l’héritage du rockeur.

  • A combien s’élève le patrimoine de Johnny Hallyday ?

Il représenterait plusieurs dizaines de millions d’euros.

Côté immobilier, Johnny Hallyday était propriétaire, entre autres, de deux luxueuses maisons de 500 m2 environ avec piscine, l’une à Los Angeles (Californie) et l’autre à Saint-Barthélemy, île des Antilles françaises, où il est enterré. Ces deux villas sont estimées chacune entre 10 et 15 millions d’euros, selon plusieurs médias. En France, sa propriété de Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine), une villa cossue entourée d’un parc, est en vente autour de 15 millions d’euros.

Johnny Hallyday possédait également une Bentley Continental d’une valeur de quelque 350 000 euros, et de grosses cylindrées.

Le patrimoine musical du chanteur, lui, comprend plus d’un millier de chansons, commercialisées essentiellement en France et quelques pays francophones. Cela représente donc une cinquantaine de millions d’euros de redevances à percevoir sur la durée de protection des droits de chanteur-interprète.

  • Peut-il priver ses enfants d’héritage ?

Ce n’est pas possible en France, où « la loi prévoit que certains héritiers doivent obligatoirement recevoir une part », selon la chambre des notaires d’Ile-de-France. Cette « réserve héréditaire » revient automatiquement aux héritiers désignés par la loi, principalement les descendants.

Il en va différemment aux Etats-Unis, où la succession est réglée par les Etats. La plupart d’entre eux ont instauré des protections des conjoints, mais pas des enfants. La loi californienne dispose ainsi que « quiconque peut déshériter quiconque, y compris ses enfants », explique Beti Tsai Bergman, avocate de l’agglomération de Los Angeles spécialisée dans les successions.

C’est pourquoi Laura Smet a « découvert avec stupéfaction et douleur » que « l’ensemble du patrimoine [de son père] et l’ensemble de ses droits d’artiste seraient exclusivement transmis à sa seule épouse Laeticia par l’effet de la loi californienne », comme l’ont indiqué ses avocats.

  • Que change la découverte des donations faites à David et Laura par Johnny Hallyday de son vivant ?

Selon les documents présentés par RTL comme les donations faites par la star à ses deux enfants aînés, Laura Smet a reçu 442 000 euros en décembre 2003 puis 450 000 euros en février 2007. RTL et Le Point affirment que ces sommes ont aidé la jeune femme à acheter deux appartements à Paris. En outre, Laura Smet a perçu une rente de quelque 5 000 euros mensuels depuis 2004, selon eux.

David Hallyday a quant à lui reçu, en mars 2002, la moitié d’une luxueuse villa du XVIe arrondissement de Paris, qui appartenait à ses parents, Johnny et Sylvie Vartan. Selon Le Point, cette résidence « serait aujourd’hui estimée à près de 20 millions d’euros ».

« Sur le plan médiatique, la révélation de ces donations change la perception du conflit, car les enfants ne peuvent plus dire qu’ils ont été privés de tout héritage, estime Barbara Thomas-David, notaire à Paris. Mais juridiquement parlant, cela ne change rien. » L’enjeu reste le même, à savoir si c’est le droit français ou le droit californien qui s’applique.

Si c’est le droit français, « il faudra refaire les comptes et tout remettre au pot commun : les donations et l’ensemble du patrimoine du chanteur. Les enfants auront alors leur part, moins les donations reçues du vivant de leur père, et Laeticia aura le reste », poursuit la notaire.

« La réserve héréditaire revenant aux enfants de Johnny Hallyday en droit français représenterait 18,75 % [les trois quarts de l’héritage divisé par les quatre enfants] », calcule-t-elle. Or, selon les évaluations du patrimoine du chanteur, les donations reçues par Laura Smet représenteraient entre 1 % et 3 % de celui-ci. « C’est loin de sa réserve », constate la notaire.

  • Entre la loi française et la loi californienne, laquelle s’applique ?

Un procès le déterminera. La bataille juridique s’annonce longue : « Cela prendra entre cinq et huit ans », selon l’experte juridique.

Depuis 2015, la réglementation européenne prévoit qu’une personne peut choisir, dans son testament, la législation applicable à son cas. Si le défunt n’explicite pas le pays souhaité, c’est sa dernière résidence habituelle qui s’impose.

Ce qui sera déterminant, c’est de voir si son installation en Californie avec sa femme et ses deux petites filles, dans le courant des années 2000, était « ancienne et durable ». « S’il est prouvé que 80 % de leur centre d’intérêt familial et social était en Californie, ce sera la loi californienne qui s’appliquera, explique Barbara Thomas-David. Mais si la famille passait son temps entre Saint-Barthélemy et Marnes-la-Coquette, ce sera sans doute le droit français. » Selon elle, les premiers éléments font plutôt pencher la balance en faveur du droit californien, car « les époux passaient apparemment beaucoup de temps en Californie ».

Dans le cas du compositeur de films Maurice Jarre, dont la bataille autour de l’héritage était similaire, la Cour de cassation a jugé que la loi française n’avait pas à s’imposer face à la loi californienne, parce que Maurice Jarre avait construit sa vie en Californie depuis longtemps, et parce que les enfants qui réclamaient leur part de l’héritage n’étaient pas « dans une situation de précarité économique ou de besoin ».

  • Qui va gérer son image et ses droits d’auteur ?

Si c’est la loi californienne qui s’applique, Laeticia Hallyday gérera tout, car elle est la légataire universelle.

Chaque œuvre est protégée pour une durée de 70 ans après sa commercialisation, les droits étant versés aux héritiers désignés. Ces droits peuvent générer en moyenne entre 1 et 2 millions d’euros par an, selon un ancien collaborateur du chanteur.

Actuellement, les trois sociétés chargées de la gestion des droits d’auteur de Johnny Hallyday et de son image d’artiste – Artistes et Promotion, Pimiento Music et Mamour – sont gérées par Elyette Boudou, grand-mère de Laeticia Hallyday.