Télé-réalité sur Netflix à la demande

Queer Eye | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 01:47

Entre 2003 et 2007, « Queer Eye for the Straight Guy » (« regard homo sur l’hétéro »), une émission diffusée par Bravo, avait défrayé la chronique aux Etats-Unis. Connue pour « Inside the Actors Studio »,menée par ­James Lipton,mais aussi pour « Top Chef » ou pour la franchise « The Real Housewives of… », la chaîne câblée avait lâché sur ses écrans un Club des cinq comme sous acide, les « Cinq fabuleux », ou « Fab Five » pour les intimes.

Le principe ? Cinq garçons, évidemment sensibles au goût prétendument parfait, du viril à voix grave jusqu’à la folle gla­pissante, étaient dépêchés au ­domicile d’un homme hétérosexuel peu concerné par son apparence physique, son alimentation et le décor de son intérieur.

On aura vu – notamment dans les quatre DVD de la « Fab Five Collection », publiés par Bravo en 2005 – des cas désespérés se muer en miracles dignes d’un passage à Lourdes et d’une validation papale : en quelques jours, ce relooking extrême rendait méconnaissables les hétéros un peu « beauf » – en général « dénoncés » à la production par leur femme, leur petite amie ou leur mère.

C’était drôlissime, outré et improbable, et le succès de ce programme, dont tout le monde parlait à l’époque, a donné de nombreuses adaptations comme, en France, sur TF1, « Queer, cinq experts dans le vent » (2004). Contrairement aux cinq saisons originales (entre dix et trente épisodes), le médiocre remake français ne tint que huit épisodes.

« Queer Eye ». / NETFLIX

Si l’on pouvait trouver les stéréotypes un peu trop caricaturaux dans la version princeps, son adaptation française rendait les choses d’un ridicule achevé. En gros, les malheureux hétéros se retrouvaient habillés de rose dans des appartements remplis de coussins à plumes et à poils longs.

Netflix a décidé de reprendre le programme et a commandé cinq nouveaux épisodes. Dans ce qui s’appelle désormais « Queer Eye », les cinq experts sont nouveaux, ethniquement plus divers – ainsi que les cobayes qu’ils relookent (parmi lesquels un garçon d’origine indienne et deux Afro-Américains).

Drôlerie hystérique

La grande nouveauté, qui explique le titre abrégé, est qu’on y trouve cette fois un garçon afro-américain gay mais qui fait tout pour ne pas le paraître. L’épisode est le plus émouvant des cinq car on le voit révéler enfin à ses proches quelle est sa vie intime. Certes, « Queer Eye » est de la télé-réalité, mais les larmes sont trop fortes pour qu’on puisse les imaginer contrefaites.

Le premier candidat, un cow-boy rougeaud sexagénaire en short, a en apparence tout du cas désespéré, mais il accepte avec bonhomie de se faire entièrement relooker par, notamment, une folle furieuse aux cheveux très longs qui passe son temps à rejouer face caméra la publicité « Parce que je le vaux bien » d’une célèbre marque de cosmétiques.

On peut imaginer qu’on ait demandé à ces nouveaux « Fab Five » de pousser le bouchon aussi loin que possible dans l’autodérision. Et il est probable qu’on ait fortement recommandé aux candidats de ne rien ranger et de ne rien nettoyer chez eux pendant les trois mois ayant précédé le tournage.

On doute que tous les cow-boys, policiers et piliers d’église – tels ceux qu’on découvre dans cette nouvelle série – de l’Amérique profonde d’aujourd’hui accueilleraient toujours aussi gentiment une bande d’excités qui se donnent du « Ma fille ! » en permanence. Mais, en l’état, « Queer Eye » aura retrouvé la drôlerie hystérique de ses débuts – avec un peu plus d’émotion à la clé.

« Queer Eye », sur Netflix (EU, 2018, 8 × 45 min).