Mobilisation des chauffeurs de VTC, liée à l’augmentation de la commission d’Uber, à Paris, le 15 décembre 2016. / BENOIT TESSIER / REUTERS

Le rendez-vous a été donné à la station Total sur la voie de sortie de l’aéroport Charles-de-Gaulle, samedi 17 février. « Nous ne voulons pas bloquer les véhicules VTC se dirigeant vers l’aéroport, mais ceux se rendant vers Paris. La profession est en grève, et on entend que ce soit respecté », explique Yazid Sekhri, de l’Union des VTC (voitures de transport avec chauffeurs). Des actions à Lille, Nice, Toulouse ou Bordeaux sont également prévues.

Près d’un an après une mobilisation massive des chauffeurs de VTC, liée à l’augmentation de la commission d’Uber, les conducteurs professionnels veulent remettre la pression sur les pouvoirs publics. Objectif : obtenir un tarif minimum pour les conducteurs, qu’ils réclament depuis plus d’un an.

« Depuis janvier 2017, les représentants des VTC, souhaitant obtenir une tarification minimum, sont conviés de réunion en réunion avec les plates-formes ou le gouvernement », relève, dans un communiqué, l’Union des VTC. « D’études en missions, rien ne vient », s’emporte M. Sekhri. « La mission est encore en cours », indique-t-on sobrement au ministère des transports.

C’est que le sujet est sensible, qui plus est dans un environnement en constante modification. Depuis le 1er janvier, le marché du transport particulier de personnes a été secoué par la mise en place de la mesure phare de la loi Grandguillaume, qui bannit les chauffeurs salariés ayant le statut Loti.

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Du jour au lendemain, Uber a vu disparaître 5 000 à 6 000 chauffeurs de sa plate-forme de mise en relation. La société américaine travaille désormais avec 20 000 indépendants. Au 1er février, environ 26 000 chauffeurs exploitants sont comptabilisés par le gouvernement, selon un courrier d’Elisabeth Borne, la ministre des transports, envoyé le 14 février aux différents acteurs du secteur.

Les autres sociétés ont connu les mêmes secousses. « Seulement 5 % de nos chauffeurs étaient des Loti, indique Yanis Kiansky, PDG d’Allocab. Cependant, nous avons tout de même senti la différence. Malgré l’augmentation des demandes de courses, aujourd’hui, je ne peux pas répondre à toutes les demandes… »

Salaire moyen de 1 700 euros par mois

Dans les faits, le temps d’attente pour une course VTC a largement augmenté en région parisienne, tandis que la « gestion dynamique » des prix d’Uber et de quelques concurrents, liés à un déséquilibre entre offre et demande, a poussé les prix à la hausse. Dans le même temps, les taxis reprennent des couleurs. Nicolas Rousselet, le patron de G7, a indiqué début février une croissance de 20 % des commandes de courses de taxis en janvier.

Dans ce contexte de retournement du rapport de force entre les conducteurs et les sociétés de VTC, les revenus des chauffeurs devraient augmenter. « C’est le cas », assure un patron de société VTC. « C’est trop tôt pour le dire, assure Yazid Sekhri, car il y a, jusqu’à fin mars, une période de transition pour que les chauffeurs Loti régularisent leur situation. » Selon le ministère des transports, 4 500 chauffeurs Loti conduisent dans l’attente de l’étude de l’examen de leur dossier.

Les dernières données concernant les revenus des professionnels, qui datent de début 2017, font état d’un salaire moyen de 1 700 euros par mois pour soixante heures de travail. « Aujourd’hui, nos revenus ne sont pas suffisants pour faire face à nos charges, qui ont augmenté, à l’image de l’augmentation des taxes sur le gazole, reprend M. Sekhri. Nous proposons que l’Etat légifère pour mettre en place un tarif minimum pour les courses, reprend M. Sekhri. A l’Union des VTC, nous estimons qu’il faudrait atteindre un tarif minimum de 12 euros [nets de commission pour les plates-formes] pour les conducteurs, ainsi que les tarifications à 1,50 euro au kilomètre, 50 cents à la minute et 2 euros la prise en charge. » Cela reviendrait à une tarification équivalente à celle des taxis. Aujourd’hui, le tarif net d’un chauffeur chez Uber est au minimum de 4,50 euros (6 euros, moins la commission de 25 %), tandis qu’il est de 7 euros chez Heetch ou 9 euros chez Allocab.

« Si on met un tarif minimum à 15 euros, qui va supprimer une grande part de la demande, il y aura deux fois moins de trajets pour le même nombre de chauffeurs »
Teddy Pellerin, cofondateur d’Heetch

La profession reste cependant très divisée. Yanis Kiansky soutient un tarif minimal. « Les revenus des chauffeurs sont aujourd’hui indécents. Ce n’est même pas le smic. Si vous voulez que les chauffeurs offrent des prestations de qualité, il faut qu’ils soient heureux et gagnent correctement leur vie. »

En revanche, les autres sociétés sont plus sceptiques. « D’une manière générale, ça peut être une bonne comme une mauvaise idée, estime Teddy Pellerin, cofondateur d’Heetch. Le problème est plus sur l’équilibre entre offre et demande. Si on met un tarif minimum à 15 euros, qui va supprimer une grande part de la demande, il y aura deux fois moins de trajets pour le même nombre de chauffeurs. Dans ce cas, leur rentabilité baisserait probablement. Il faut donc étudier précisément ce projet. »

« La tarification est une question complexe, ajoute-t-on chez Uber, car elle doit répondre à plusieurs critères : l’accessibilité du service pour les passagers, la rentabilité des chauffeurs et la capacité d’Uber à poursuivre sa croissance pour continuer à investir, afin d’offrir un service de meilleure qualité. Nous devons préserver un équilibre entre ces trois éléments. » Dans les faits, le leader reste opposé à tout tarif minimal, car il a popularisé son service et élargi son marché en baissant le prix des courses.