L’acteur ivoirien Isaach de Bankolé, à Los Angeles, le 29 janvier 2018. / Jesse Grant / AFP

Pour la sortie du film Black Panther en Côte d’Ivoire, Marvel Studios a vu les choses en grand. La société de production américaine, qui appartient au géant Walt Disney, a organisé le premier Marvel Festival d’Abidjan, du vendredi 16 au dimanche 18 février : 45 projections des plus grands succès du label (Iron Man, Avengers, Thor…) dans les salles obscures et le Palais de la culture d’Abidjan, une master class, des programmations télévisées en partenariat avec Canal+, etc.

« On sait qu’il y a chez le public ivoirien un intérêt fort pour les films de superhéros. Pour la sortie mondiale de Black Panther, on s’est donc dit que c’était l’occasion de faire une avant-première ici, à Abidjan », explique Jean-François Camilleri, président de Walt Disney pour la France et l’Afrique francophone. La projection a eu lieu vendredi au très chic Hôtel Ivoire, avec des invités triés sur le volet : le ministre ivoirien de la culture, Maurice Bandaman, la star du coupé-décalé Serge Beynaud, des diplomates et le tout-Abidjan médiatique avaient, entre autres, répondu présents. Tout comme de nombreux spectateurs anonymes, impatients de voir le film dont tout le monde parle depuis des mois.

La soirée a surtout été marquée par la présence du célèbre acteur ivoirien Isaach de Bankolé, 60 ans, parrain du festival. Celui dont la carrière a explosé en France dans les années 1980, notamment avec le cultissime Black Mic-Mac, et qui poursuit sa carrière aux Etats-Unis depuis près de vingt ans, est en effet présent au casting de la superproduction. Veste en jean customisée et chapeau beige, il raconte ce soir-là comment un quiproquo entre lui et le réalisateur, Ryan Coogler, a failli lui faire refuser le rôle.

« Quelle est cette idée bizarre ? »

Retour en 2016. Le cinéaste prometteur, alors âgé de 29 ans seulement, souhaite confier un rôle à Isaach de Bankolé, mais ne sait pas encore lequel. Après quelques semaines de réflexion, il lui propose de jouer le chef de la tribu de la Rivière, l’un des peuples du Wakanda, le pays africain imaginaire où se déroule l’action. « Un Africain avec une lèvre étirée par une sorte de disque, quelle est cette idée bizarre ? Je n’ai envie ni de faire partie de ce film, ni d’en rencontrer le réalisateur », se dit l’acteur césarisé en 1987.

Ce n’est qu’après une conversation anodine avec deux cinéastes américains, quelque temps plus tard, qu’il se ravise : « J’ai réalisé que j’étais complètement à côté de la plaque, car pour moi c’était un film sur les Black Panthers, le mouvement afro-américain pour les droits civiques des années 1960 et 1970 ! Je ne voyais donc pas du tout ce que venait faire un chef de tribu là-dedans ! J’ai appelé mon manager tout de suite pour lui dire qu’il fallait joindre la production et accepter le rôle. »

Et Isaach de Bankolé d’ajouter : « Ce film est important à plusieurs titres. D’abord parce que c’est la première fois qu’on met en scène un superhéros noir américain. Ensuite parce qu’il réunit des acteurs afro-américains et africains : Lupita Nyong’o est kényane, Danai Gurira est originaire du Zimbabwe, Winston Duke de Trinité-et-Tobago, moi de Côte d’Ivoire… Ryan Coogler a voulu un casting international et, grâce à son talent, il a réussi à nous réunir tous. Je lui dis un grand bravo pour cela. »

« Des détails ! »

« Ce film pour Hollywood, c’est une première, poursuit Isaach de Bankolé. Mais Hollywood veut voir de l’argent, sinon il n’en fera pas un deuxième. Il faut donc que vous alliez tous au cinéma, que vous en parliez autour de vous, pour que ce film devienne le plus grand blockbuster mondial ! » Cet appel, lancé également par de nombreuses stars afro-américaines sur les réseaux sociaux, sera-t-il entendu à Johannesburg, Nairobi, Addis-Abeba, Dakar, Accra et Lagos ? A Abidjan en tout cas, c’est un public conquis qui est ressorti de l’avant-première.

« Ma plus grande crainte, c’était que le film ait été survendu et qu’il faille l’apprécier juste par ce qu’on est noir ou africain, déclare Serge, apprenti réalisateur venu voir le film avec son amie, Sandrine. Mais finalement, j’ai vraiment tout aimé, et plus particulièrement les effets spéciaux et les scènes d’action. C’est tout ce qu’on attend d’un Marvel, ni plus ni moins. » L’amie, elle, regrette pour sa part « quelques passages trop moralisateurs sur les rapports que devraient entretenir les différents pays ou peuples dans le monde ». Mais refuse de s’étendre : « C’est un film trop important pour nous, Africains et Afro-Américains, pour s’attarder sur ce genre de détails ! »