Cécile Kyenge, en 2013 à Rome. / GABRIEL BOUYS / AFP

Cécile Kyenge, membre du Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi et eurodéputée sociale-démocrate, a été la première femme noire à occuper un poste de ministre – de l’intégration – en Italie, au sein du gouvernement Letta (avril 2013-février 2014). Visée par des insultes racistes, y compris au sein du personnel politique, et des menaces de mort, elle vit sous protection policière lorsqu’elle est en Italie. Elle était à Paris, dimanche 18 février, sur le plateau de TV5Monde.

Quelle est votre réaction à la fusillade de Macerata ?

Dans ce drame, la plus grande responsabilité est portée par les partis, en particulier la Ligue du Nord, à laquelle appartenait l’auteur de la fusillade, qui a été candidat aux municipales sur leur liste. L’instrumentalisation de la question de l’immigration peut mener jusqu’à des crimes racistes, comme à Macerata.

Faut-il interdire certains partis ?

La liberté d’expression a des limites. On ne peut pas accepter que des partis qui élaborent les lois tiennent des discours ouvertement racistes. C’est contraire à notre Constitution. Je me suis constituée partie civile dans une vingtaine d’affaires pour racisme depuis 2014. J’ai volontairement sélectionné des cas où sont en cause des responsables politiques ou des personnes responsables d’institutions. Tout le pays doit prendre conscience de ce danger. Le jour où je n’aurai plus besoin de garde du corps en raison de ma couleur de peau, cela voudra dire que les choses vont mieux.

Après Macerata, on a beaucoup moins entendu la gauche et le gouvernement que la droite et l’extrême droite…

Je suis allée manifester à Macerata, contre l’avis de mon propre parti politique, qui n’a pas voulu que cette affaire soit instrumentalisée dans le cadre de la campagne. Mais je considère la lutte contre le racisme comme une priorité, même en campagne électorale. Salvini dit que Macerata c’est de la faute du gouvernement, je dis que c’est de la faute de la droite. La loi en vigueur sur l’immigration a été écrite par MM. Bossi et Fini, elle a eu pour conséquence de pousser beaucoup de personnes dans la clandestinité.

Silvio Berlusconi s’est allié à la Ligue du Nord et à Fratelli d’Italia, deux partis d’extrême droite, au sein d’une coalition. Reste-t-il fréquentable ?

Berlusconi est un modéré, mais ses alliés sont des extrémistes. La Ligue du Nord a toujours instrumentalisé l’immigration, je ne parle même pas de Fratelli d’Italia. Le problème, c’est que Berlusconi est en difficulté.

Le PD doit-il tendre la main à Berlusconi après les élections du 4 mars, afin de former une coalition ?

En pleine campagne, personne ne peut dire cela. Mais je suis sûre que, le 5 mars, on devra chercher à parler avec Berlusconi, sans les deux autres partis de la droite, dont on ne partage pas les valeurs. On va se retrouver face à la question d’une grande coalition.

Y compris avec le Mouvement 5 étoiles (M5S) ?

Ça dépend. Il faut voir sur quelle base nous pouvons avoir des convergences. Ce sera plus un problème pour le M5S que pour nous, car ils disent qu’ils veulent gouverner seuls. Il faut aussi que Luigi Di Maio soit cohérent. Il dit certaines choses hors de son pays et d’autres en Italie. Il y a un peu de tout dans le M5S.