Benyamin Nétanyahou, premier ministre israélien, à Munich, le 18 février 2018. / THOMAS KIENZLE / AFP

La question a été posée par le journaliste d’investigation israélien Ronen Bergman, qui travaille au quotidien Yediot Aharonot et collabore au New York Times. Elle s’adressait au premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, qui assistait, samedi 17 février, à la 54e conférence de Munich sur la sécurité. Son objet : la loi mémorielle controversée, adoptée récemment à Varsovie, qui pénalise « l’attribution à la nation ou à l’Etat polonais, en dépit des faits, de crimes contre l’humanité ».

« Si je raconte l’histoire de ma mère en Pologne, je serai considéré comme un criminel. Que cherchez-vous à faire, au juste ? », a demandé M. Bergman, fils d’une rescapée de la Shoah, déclenchant un tonnerre d’applaudissements.

Sur la scène, assis à côté du chancelier conservateur autrichien, Sebastian Kurz, arrivé au pouvoir en même temps que lui, en décembre 2017, et dirigeant d’un gouvernement auquel participe l’extrême droite, M. Morawiecki a répondu calmement. « Ce ne sera pas punissable, ce ne sera pas regardé comme criminel de dire qu’il y eut des exécuteurs polonais, de même qu’il y eut des exécuteurs juifs, des exécuteurs russes, des exécuteurs ukrainiens, et pas seulement des exécuteurs allemands », a-t-il affirmé, employant le mot anglais perpetrator, utilisé dans l’historiographie pour désigner ceux qui ont activement participé à l’extermination des juifs.

Réécrire l’histoire

Ces déclarations sont venues rappeler que le gouvernement dirigé par le parti nationaliste Droit et justice (PiS) est bien déterminé à réécrire l’histoire pour en faire un récit dans lequel la Pologne ne serait qu’héroïque et martyre.

Présent lui aussi à Munich, Benyamin Nétanyahou a qualifié de « scandaleux », dès samedi après-midi, les propos tenus par son homologue polonais quelques heures plus tôt. Il s’est toutefois gardé d’y faire allusion dans le discours qu’il a prononcé, dimanche matin, à la tribune de la conférence de Munich.

Ce silence est révélateur. Il montre que M. Nétanyahou n’entend pas faire de cette affaire un motif de rupture avec Varsovie, et ce malgré l’indignation provoquée en Israël par la politique mémorielle du gouvernement polonais. Une indignation rappelée par les croix gammées qui ont été découvertes, dimanche, sur l’entrée de l’ambassade de Pologne à Tel-Aviv.

Le communiqué publié par les services du premier ministre israélien, dimanche après-midi, est venu confirmer que celui-ci souhaite éviter toute surenchère. Certes, on peut y lire que M. Nétanyahou s’est entretenu avec M. Morawiecki au téléphone pour lui dire que ses déclarations étaient « inacceptables » dans la mesure où « il n’y a pas lieu de comparer les actes des Polonais et des juifs durant la Shoah ».

Mais on y apprend également que « les deux hommes se sont mis d’accord pour que leurs pays continuent à discuter du sujet et qu’ils souhaitent pour cela que leurs équipes se rencontrent prochainement ». Une façon d’affirmer que la relation entre Israël et la Pologne n’est pas prisonnière d’une interprétation de l’histoire, aussi contestée fût-elle.