La gare SNCF de Paris Saint-Lazare, le 15 février. / LUDOVIC MARIN / AFP

Le gouvernement a donné, lundi 19 février, le coup d’envoi de la refonte de la SNCF. Une première journée au cours de laquelle, le premier ministre Edouard Philippe et la ministre des transports Elisabeth Borne ont reçu tour à tour les dirigeants et les syndicats du rail français. Un partage des tâches. Le chef du gouvernement a rencontré Bernard Roman, président de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), puis Guillaume Pepy, Frédéric Saint-Geours, respectivement président de la SNCF et président du conseil de surveillance de la SNCF, et enfin Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau.

De leur côté, les quatre syndicats représentatif de cheminots (CGT, Unsa, SUD et CFDT) se sont succédés au ministère des transports. Une première phase de consultation, sans aucune annonce, qui avait tout d’un round d’observation. « L’enjeu des rencontres cette semaine » est « d’abord d’écouter ce que chaque acteur attend de la réforme et d’entendre leurs réactions au rapport (…) Nous sommes dans un état d’esprit d’écoute, de dialogue et aussi de clarté sur la nécessité d’agir », a déclaré Elisabeth Borne.

43 recommandations

Il est vrai que le dossier de la SNCF est ultra-sensible. Nombre des quarante-trois recommandations contenues dans le rapport Spinetta, telle la remise en cause du statut des cheminots ou la transformation des différentes entités de la la SNCF en « sociétés nationales à capitaux publics », agissent comme des chiffons rouges aux yeux des syndicats. Toutefois, le gouvernement s’est fixé comme objectif de réduire la dette de la SNCF qui atteindra 50 milliards d’euros en 2018 et de préparer l’entreprise à l’ouverture à la concurrence comme l’exige l’Union européenne.

Face aux organisations syndicales, la ministre des transports « a balayé le rapport Spinetta », estime Bruno Poncet, secrétaire fédéral SUD-Rail. L’occasion de tester devant les organisations les principales recommandations contenues dans le rapport Spinetta. Si l’UNSA-Ferroviaire, premier syndicat à avoir été reçu par Mme Borne, a voulu voir une ministre « plutôt ouverte à la concertation », les centrales dans leur ensemble se veulent extrêmement vigilantes.

Montrer les muscles

« Nous restons sur nos gardes » après avoir découvert un rapport qui « taille dans le vif » a indiqué Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Unsa-Ferroviaire. Plus abrupt encore, M. Poncet a estimé que ce premier échange avait mis en lumière « des visions diamétralement opposées » entre le gouvernement et les syndicats sur l’avenir de la SNCF. Selon SUD-Rail, pour l’heure, « il ne peut y avoir de terrain d’entente ».

Sans attendre, la CGT, premier syndicat de la SNCF, et Force ouvrière ont déjà appellé les salariés de la SNCF à manifester le 22 mars. A la même date que la journée d’action prévue dans la fonction publique. « La bataille n’est pas gagnée d’avance pour le gouvernement », s’est écrié pour sa part Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots. Elle pourrait recevoir le renfort de SUD-Rail. Le syndicat « a lancé une consultation auprès de ses adhérents ». Un préalable avant de définir sa position mercredi 21 février. M. Poncet se déclare déjà prêt à former « une plateforme unitaire ». Même la CFDT, d’habitude plutôt accommodante, est prête à se joindre au mouvement. « Nous saurons aussi (…), si nous voyons que les choses ne changent pas, être capables de montrer les muscles et de faire réagir le rapport de forces », a-t-il prévenu à la sortie. Mais « on n’en est pas là », a indiqué Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT-Cheminots.

SUD-Rail lance un avertissement au gouvernement s’il persiste dans son projet. Il risque « d’agréger tous les mécontents » contre lui. Non seulement, « tous les cheminots qui sont inquiets » mais aussi les « usagers et les régions ».

« Un léger rétropédalage »

Cette première journée a été l’occasion de faire passer quelques messages. Reçu par la ministre des transports, le président de l’Arafer a défendu l’avis conforme (juridiquement contraignant) du régulateur sur la tarification du réseau ferré. Un pouvoir menacé par le projet de réforme qui permet pourtant à l’Arafer d’accompagner l’ouverture à la concurrence en obligeant SNCF Réseau à justifier le niveau de ses péages et à les maintenir à un niveau soutenable pour les compagnies ferroviaires.

Outre les syndicats, les régions se sont aussi déclarées, lundi, « très préoccupées » par l’avenir du réseau ferroviaire de proximité. Dans un communiqué, l’association Régions de France a fait part de son opposition à la recommandation du rapport Spinetta sur l’évolution du rail « qui invite l’Etat à ne pas respecter les Contrats de plan Etat-Régions » (CPER). Une vive réaction qui semble avoir été entendue par le gouvernement. A l’occasion de son entretien avec Mme Borne, Bruno Poncet a cru percevoir « un léger rétropédalage sur la fermeture des petites lignes ». Le Premier ministre pourrait décider de remettre à plus tard ces clôtures. Un premier recul qui traduirait une « inquiétude politique », signale le dirigeant de SUD-Rail. Porteuses de « risques d’impopularité » pour le président de la république Emmanuel Macron et pour le chef du gouvernement, elles seraient tout bonnement « sorties de la réforme », indique-t-on de bonne source. Prudent, Edouard Philippe a fait savoir qu’il annoncerait le calendrier et la méthode de la SNCF le 26 février. C’est à dire au lendemain de la manifestation organisée par la CGT.