Si Martin Fourcade semblait aux anges, lundi 19 février, lors de la remise de sa médaille d’or pour l’épreuve de la mass-start, les Français boudent le métal jaune qui fut longtemps un de leurs placements favoris. | Patrick Semansky / AP

Un forfait de 4 %, puis 7,5 %, puis 10 % en 2014… Depuis le 1er janvier 2018, la taxe forfaitaire sur les métaux précieux (TFMP) a encore augmenté pour atteindre 11,5 % du prix de vente de l’or, de l’argent et du platine – dont 0,5 % de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Mise en place en 1977 suite à une « volonté à l’époque de décourager le passage de l’or en Suisse », précise François de Lassus, directeur de la communication de CPOr Devises, cette taxe sur le commerce de l’or physique est devenue « une mesure fiscale confiscatoire », tempête le responsable de cet établissement de crédit spécialisé dans des prestations au traitement des devises et de l’or pour les banques. « D’autant que ces propriétaires d’or peuvent difficilement opter pour la taxe sur la plus-value qui pourrait être plus favorable, car ce choix de taxation lors de la vente exige la preuve de l’origine de la propriété. Alors que cet or est transmis de génération en génération… »

Une conséquence de la suppression de l’ISF

Cette nouvelle augmentation de la TFMP est une conséquence de la suppression de l’impôt sur la fortune transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui ne pèse désormais plus sur les biens meubles. Dans un souci d’éviter l’afflux d’investisseurs sur le marché de l’or, l’Assemblée nationale a voté en 2017 une énième augmentation de la taxation sur le commerce des métaux précieux. Cette mesure est loin d’être appréciée par tous les acteurs du marché : « Avec la transformation de l’ISF en IFI, l’or est ainsi considéré comme un signe extérieur de richesse au même titre que les yachts, les voitures de sport. Or l’or concerne pas mal de Français… », se plaint l’un d’entre eux.

Les Français, de toutes les classes sociales, posséderaient 3 000 tonnes d’or…

Les chiffres de la dernière étude Ipsos de 2014 commandée par CPOr Devises impressionnent toujours : des 20 francs Napoléon (515 millions de pièces frappées pendant son émission !) aux lingots, les Français, de toutes les classes sociales, posséderaient 3 000 tonnes d’or… François de Lassus esquisse une explication : « L’or est une tradition en France : on considère que 16 % des familles françaises (ou leurs héritiers) possèdent un bas de laine, la France est un pays rural qui a connu des guerres et des inflations et l’or est une valeur refuge ».

De l’or sous le matelas ? Oui mais pas seulement, les lingots peuvent être confiés à un établissement bancaire, ce qui génère des droits de garde. Une « contrainte supplémentaire et lourde » pour cet investissement taxé et volatile, constate Thomas Chailloux, conseil en gestion de patrimoine du cabinet BLC & Associés qui ne choisit pas de proposer ce type d’épargne à ses clients.

Autant d’inconvénients qui dissuadent de potentiels nouveaux entrants sur ce marché, plus jeunes que les propriétaires aisés de lingots. François de Lassus confirme : « A la fin des années 1990, le marché de l’or a perdu son aura, quelques nouveaux entrants ont souhaité diversifier leurs portefeuilles depuis, mais 90 % du bas de laine est lié à l’acquisition familiale ».

Une taxe qui rapporte 70 millions d’euros

Un marché figé et de moins en moins liquide… « Les Français qui possèdent de l’or attendent des jours meilleurs pour vendre alors qu’ils seraient souvent heureux de pouvoir le faire et d’aider un enfant à se lancer dans la vie par exemple », suppose François de Lassus qui en profite pour faire les comptes : « Cette taxe rapporte certes 70 millions au gouvernement français, mais elle est rangée dans la catégorie des taxes à moins de 100 millions d’euros ». Une taxe contournée par certains détenteurs d’or peu scrupuleux qui le vendent notamment sur le marché allemand réputé dynamique et non taxé.

« Pour inciter les Français à céder leur or, nous proposons une opération d’exonération de la taxe forfaitaire si le placement du montant de la vente s’effectue sur un produit de financement de l’économie productive, dans le secteur agricole ou les PME dans les territoires ». La solution préconisée par CPOr Devises pour libérer cette épargne refuge.