L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Ce corps, celui d’une jeune femme, on le découvre d’abord en péril, sombrant au fond de la mer. En ouvrant son film sur ces images subaquatiques, celles qui viennent après ces naufrages de bateaux surchargés, filmés si souvent par des réalisateurs de fictions et des documentaristes, sur ces images qu’on ne peut qu’imaginer, Raja Amari assigne une identité à son personnage principal. Samia (Sarra Hannachi) est une migrante. Le projet de la cinéaste tunisienne est de l’arracher à cette définition pour en faire un personnage complexe, animé de désirs et de haines. Samia deviendra ainsi l’un des sommets d’un triangle pas tout à fait amoureux, qu’elle forme avec une veuve française, immigrée et bourgeoise, et un garçon tunisien qui a longtemps gravité aux marges des milieux islamistes.

Une fois cette figure constituée, Corps étranger se perd dans dans un bouillonnement de désirs et de retournements, d’où surgissent des références à l’histoire récente de la Tunisie, des observations – souvent pertinentes – sur la place que fait la France à ceux qui la choisissent, sans que ces éléments se fondent en un récit convaincant.

Relation ambiguë

Samia est donc arrivée à Lyon. Elle y retrouve Imed (Salim Kechiouche), joli garçon, clandestin lui aussi, qui fut l’ami du frère de la jeune fille, dont on apprend qu’il est incarcéré en Tunisie pour appartenance à la mouvance djihadiste. Elle parvient à se faire embaucher par Madame Bertaud (Hiam Abbass), qui lui demande de l’aider à vider son grand appartement des affaires de son mari, récemment disparu.

Entre la grande bourgeoise et la jeune migrante, Raja Amari et ses actrices esquissent une relation ambiguë, faite d’envie pour la cadette, de regrets pour l’aînée. L’irruption d’Imed, qui désire l’une pour sa jeunesse, l’autre pour son statut et son argent, devrait porter la situation à incandescence. C’est pourtant à ce moment que Corps étranger se fait théorique, se désincarne, sans que les acteurs ne déméritent.

Corps étranger / Bande annonce officielle
Durée : 01:51

Film tunisien et français de Raja Amari. Avec Sarra Hannachi, Hiam Abbass, Salim Kechiouche (1 h 32). Sur le Web : www.paname-distribution.com et www.facebook.com/happinessdistributionpointcom