Editorial du « Monde ». Au terme de trois mois de négociations et de douze rencontres, les partenaires sociaux devraient parvenir, mercredi 21 février, à un compromis sur la réforme de la formation professionnelle. Sauf surprise de dernière minute, le premier accord national interprofessionnel depuis l’élection d’Emmanuel Macron, avalisé par les organisations patronales et syndicales – à l’exception de la CGT qui, comme sur tous les sujets, se situe hors du jeu –, devrait voir le jour.

Lorsqu’il était candidat, le président de la République avait préconisé, après avoir chamboulé par voie d’ordonnances le code du travail, un « choc de simplification » et une remise à plat du système de formation continue, jugé trop coûteux, trop complexe et peu efficace. Rien n’indique que ces objectifs, rappelés dans la feuille de route de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, auront été atteints.

Le document, d’une cinquantaine de pages, qui a été laborieusement élaboré par les partenaires sociaux, s’inscrit dans la continuité du précédent accord de 2014. En d’autres termes, il ne contient aucun bouleversement. Il prévoit que le compte personnel de formation (CPF), entré en vigueur début 2015, et qui a financé plus de 576 000 stages en 2017, fera du salarié l’« acteur de son projet professionnel ». Il pourra l’utiliser durant son temps de travail, ou en dehors, « sans l’autorisation de son employeur ».

Des points de désaccord subsistent

Un « CPF transition professionnelle » remplacera le congé individuel de formation et offrira des formations longues pour les salariés qui désirent changer de métier. Un « véritable droit à l’accompagnement, gratuit, accessible facilement », doté de 260 millions d’euros par an, financés par les entreprises, sera instauré pour épauler les actifs qui souhaitent une évolution professionnelle. Et un financement est prévu pour la formation des chômeurs.

Cette réforme ne va pas rendre le système de formation continue plus coûteux. Mais il ne le sera pas moins. Avec ce nouveau dispositif, toujours d’une grande opacité, on est loin du « choc de simplification », voire du « big bang », attendu par M. Macron. Et c’est là où le bât blesse. Le président n’est pas un adepte de la démocratie sociale chère à François Hollande et il n’attache pas une grande importance aux corps intermédiaires.

Sous le quinquennat précédent, en 2013 comme en 2014, les accords nationaux interprofessionnels étaient fidèlement repris par la loi. Telle n’est pas la méthode de M. Macron, qui a consenti à une négociation mais en refusant de s’engager à en reprendre les résultats. Or des points de désaccord subsistent. Il en est ainsi de la mesure du CPF. Le gouvernement voulait qu’elle ne soit plus exprimée en nombre d’heures de formation mais en euros. Il n’a pas été suivi, comme sur l’évaluation des formations, où les partenaires sociaux, soucieux de préserver leur pré carré, n’ont pas voulu s’en remettre à une agence indépendante.

Alors que l’autre négociation en cours, sur l’assurance-chômage, a toutes les chances de capoter, M. Macron ne peut pas politiquement balayer d’un revers de la main un accord entre la majorité des syndicats et le patronat. Mais, jugeant cette réforme inachevée, il va probablement choisir ses plats dans le menu proposé et en rajouter d’autres plus à sa convenance. Au risque d’irriter les partenaires sociaux, il va ainsi rappeler que le dernier mot doit rester à la loi. Telle qu’il la conçoit.