Jeremy Corbyn, le 20 février à Londres. / SIMON DAWSON / REUTERS

L’histoire ne révèle pas grand-chose sur Jeremy Corbyn, mais davantage sur les mœurs d’une partie de la presse britannique, et surtout sur la détresse des conservateurs. M. Corbyn, le chef de file du Parti travailliste, est un ancien espion communiste, proclament depuis quelques jours plusieurs journaux de droite. « Corbyn et l’espion coco » faisait, jeudi 15 février, la manchette du Sun, ornée pour l’occasion de faucilles et de marteaux écarlates et d’une inquiétante photo de M. Corbyn jeune. Le Daily Mail n’a pas tardé à renchérir en demandant au « camarade Corbyn de passer à table ». Mardi 20 février, la « une » du Telegraph enjoignait à l’intéressé de publier son « dossier Stasi [la police politique de l’ex-Allemagne de l’Est] ».

A l’origine de ces « révélations », les déclarations de Jan Sarkocy, un ancien diplomate tchèque expulsé pour espionnage en 1989 par Margaret Thatcher, qui affirme avoir « recruté » M. Corbyn pour le compte du StB, le service d’espionnage de la Tchécoslovaquie. Il dit l’avoir rencontré à plusieurs reprises dans les années 1980, à titre d’informateur rémunéré.

Qu’importe si Svetlana Ptacnikova, directrice des archives de la sécurité tchèque, affirme à la BBC que le dossier Corbyn évoque une « personne digne d’intérêt » et non un « agent ». Tant pis, si Radek Schovanek, du ministère tchèque de la défense, qualifie de « faux » le récit de M. Sarkocy. L’éditorial du Telegraph tient la conclusion : « Jeremy Corbyn n’est certainement pas qualifié pour devenir premier ministre. » Et Theresa May, la première ministre conservatrice, a appelé le député Corbyn à se montrer « ouvert et transparent ».

« Diffamation ridicule »

L’intéressé, dans une vidéo diffusée mardi 20 février, qualifie de « diffamation ridicule » ces accusations. M. Sarkocy « prétend que je le tenais informé de ce que Margaret Thatcher prenait pour son petit déjeuner », ironise-t-il. Pourtant, prévient-il en cessant de sourire, « il se passe quelque chose de plus sérieux : les patrons des médias ont peur d’un gouvernement Labour. (…) Nous avons de bonnes nouvelles pour eux : le changement arrive. »

L’affaire est d’autant plus vaine que Jeremy Corbyn n’a jamais caché ses convictions socialistes, mais antistaliniennes. En 1988, il a réclamé au Parlement « la complète réhabilitation de Léon Trotski » par le gouvernement soviétique. En 1989, il a signé une motion félicitant les ouvriers tchèques en grève « contre la corruption de la bureaucratie stalinienne ».

Le brouhaha provoqué par le « dossier tchèque » de Corbyn finit par masquer l’essentiel : le leader du Labour a fait un pas, mardi soir, dans la contestation du Brexit, en affirmant que le Royaume-Uni devrait « avoir une union douanière » avec l’UE. Quant au dernier sondage, il donne le Labour vainqueur (41 % des voix) face aux tories (40 %).