L’imitation, l’émotion, la polarisation, la conspiration, le discrédit et la provocation : les six piliers de la désinformation selon « Bad News ». / DROG

Tout commence par un tweet énervé, dénonçant au choix les médias, le gouvernement ou les prétendus petits secrets de la communauté scientifique.

Puis, de fil en aiguille, notre internaute va, pour diffuser ses idées, se faire passer pour quelqu’un qu’il n’est pas, puis monter de toutes pièces un blog de désinformation qu’il va faire passer pour un média. Vingt minutes plus tard, le voilà agent actif d’une vaste entreprise de désinformation, dont chaque mot est suivi, répété, amplifié, par des dizaines de milliers de personnes.

La réalité de la création des « fake news » n’est peut-être pas si simple. On sait que se cachent souvent derrière les campagnes de désinformation des organes de propagande étatiques, ou des « usines à fausses informations » qui en ont cyniquement fait leur modèle économique.

Bad News, le jeu vidéo du collectif DROG, composé de journalistes et d’universitaires des Pays-Bas, n’a pas pour ambition d’entrer dans le détail des motivations des créateurs de fausses informations, mais plutôt d’apprendre à les identifier – pour mieux les ignorer. Initialement sorti en néerlandais en novembre, il est disponible en anglais depuis mardi 20 février.

Comment allez-vous nommer votre site Internet ? / DROG

Jouer le méchant

Ce n’est pas la première initiative du genre : on pourrait citer le quiz que proposait la Radio Télévision Suisse le 15 février dernier. Mais à la différence de ces jeux ouvertement didactiques, Bad News prend le contre-pied et propose de se mettre dans la peau de ceux qui sont décrits comme les « méchants ». Ceux qui vont sciemment répandre rumeurs, contre-vérités et pures inventions dans le but d’acquérir le maximum d’influence.

Une sorte de jeu de rôle très simple dans lequel le joueur est confronté à une succession de questions à choix multiples. Allez-vous vous faire passer pour une personnalité ou créer votre propre média ? Publier une information fausse ou tenter de transformer en scandale national une anecdote triviale ? Allez-vous blâmer le gouvernement ou les entreprises ? Jouer la carte de la peur ou celle de la colère ? En faire un « mème » ou un article ? Faire appel à de faux comptes Twitter ou trafiquer une photo ?

Le but du jeu : amasser le plus d’abonnés, tout en essayant de préserver une fragile crédibilité. L’affaire est entendue en une vingtaine de minutes, mais ce faisant, Bad News décortique ce qu’il identifie (en s’inspirant d’un rapport de l’OTAN sur le sujet) comme les six principales mécaniques de la création de fausses informations : l’imitation, l’émotion, la polarisation, la conspiration, le discrédit et la provocation.

Le but du jeu : amasser un maximum d’abonnés sans menacer votre fragile crédibilité. / DROG

L’idée des Néerlandais est de s’inspirer de la « théorie de l’inoculation », telle d’édictée par la psychologie sociale dans les années 1960. Avec l’idée qu’être confronté à une fausse information « neutralisée », car s’inscrivant dans un contexte ludique et fictif, permet de mieux se préparer à de la véritable désinformation.

« On pourrait comparer ça à un vaccin contre les infos trompeuses, expliquent les développeurs sur le site de Bad News. Si vous êtes capables de les reconnaître, vous pouvez y résister. »

Autre parti pris de DROG, qui ne fera peut-être pas l’unanimité : celui de renvoyer dos à dos les manipulateurs de tous bords et les complotistes de toutes sensibilités, qu’ils soient progressistes ou d’extrême droite, bien ou mal intentionnés, anti-OGM ou anti-vaccins, pourfendeurs des brutalités policières ou incrédules face au réchauffement climatique.

Sans doute, toujours, dans une volonté de déconnecter la démarche des manipulateurs de leurs objectifs, comme pour toucher davantage de joueurs potentiels, quelles que soient leurs opinions.

Jouable gratuitement sur getbadnews.com (en anglais).

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • les mécanismes de la désinformation disséqués ;
  • un jeu de rôle à la fois très simple et bien fichu ;
  • jouer les méchants : didactique sans faire d’angélisme.

On n’a pas aimé :

  • en anglais seulement (ou alors en néerlandais si vous insistez) ;
  • finalement, assez peu de changements d’une partie à l’autre.

C’est pour vous si :

  • vous voulez comprendre comment ça marche ;
  • vous avez un tonton ou une cousine qui en aurait bien besoin.

Ce n’est pas pour vous si :

  • vous ne parlez pas anglais (ni néerlandais) ;
  • vous cherchez une lecture plus politique que didactique du phénomène.

La note de Pixels

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