Le directeur de la Réserve fédérale, Jerome Powell, à Washington, le 5 février. / Aaron Bernstein / REUTERS

La Réserve fédérale (Fed) va-t-elle accélérer la hausse des taux directeurs ? Peut-être bien. Pour l’instant, l’institution table sur trois relèvements cette année. Mais l’accélération de la croissance, sous l’effet des baisses d’impôts actées par Donald Trump, pourrait la convaincre d’opter pour une quatrième hausse. C’est du moins ce que laisse penser le compte rendu de sa réunion des 30 et 31 janvier, publié mercredi 21 février.

Le document révèle, en effet, que le plan de relance du président Républicain pourrait avoir un effet « plus important qu’initialement estimé » sur l’activité, selon les membres de la Fed, et que les prix « vont sans doute augmenter en 2018 ». D’autant que le dollar faible, qui renchérit le prix des produits importés, pourrait donner un coup d’accélérateur à l’inflation, estiment-ils.

L’effet du déficit commercial…

Depuis début 2017, le billet vert a en effet reculé de près de 10 % face à la livre sterling et de 15 % face à l’euro. Plutôt déroutant, car à première vue, et si l’on se fie aux modèles économiques de base, le dollar devrait au contraire s’apprécier.

De fait, la Réserve Fédérale (Fed) a entamé la remontée de ses taux directeurs. Les placements américains rapportent donc plus. Cela devrait convaincre les financiers en quête de rendement de venir investir leur argent aux Etats-Unis (et donc, à acheter du dollar pour le faire), ce qui tirerait mécaniquement le dollar à la hausse.

De plus, le plan d’investissement de 1 500 milliards de dollars annoncé par Donald Trump et les baisses d’impôt vont creuser la dette publique à court terme, accentuant du même coup la hausse des taux – et donc, celle du dollar. Pourquoi, dès lors, la devise américaine a-t-elle à l’inverse tendance à se déprécier ? Est-ce grâce à la seule force de conviction du Républicain à la mèche blonde, qui se déclare régulièrement favorable au dollar faible ?

Pas vraiment. A y regarder de près, deux grands phénomènes entrent en jeu. Le premier tient au déficit commercial abyssal des Etats-Unis, qui a culminé à 566 milliards de dollars en 2017 – un record depuis 2008. Le pays importe plus qu’il n’exporte, et cela tire la devise vers le bas.

… et celui de la reprise mondiale

Le second tient à la solidité de la reprise mondiale. Tous les continents, y compris l’Europe, ont renoué avec une croissance saine. Résultat : les investisseurs qui ces dernières années, prisaient la valeur refuge du dollar, ont retrouvé le goût du risque. La hausse des taux américains ne leur fait ni chaud ni froid. Désormais, ils n’ont plus peur d’aller miser sur les actions des pays émergents ou européens.

Dès lors, et même s’il est particulièrement difficile de prédire l’évolution des taux de change, il semble peu probable que le dollar reparte vigoureusement à la hausse ces prochaines semaines. Surtout si Donald Trump continue de malmener ses alliés diplomatiques et militaires, dont l’essentiel des réserves de change est constitué en dollar, rappelle régulièrement Barry Eichengreen, économiste à l’université californienne de Berkeley. Si leurs banques centrales se décidaient à diversifier un peu leurs réserves, le billet vert enregistrerait un nouveau coup de mou…

Et la zone euro, dans tout cela ? A première vue, la force relative de l’euro n’arrange pas les affaires des exportateurs français et italiens. Les analystes d’Oxford Economics soulignent néanmoins que ces vingt dernières années, la faiblesse du dollar s’est presque toujours traduite par un petit coup d’accélérateur aux échanges mondiaux, puisque les marchandises libellées en dollar coûtent moins cher. Selon eux, la baisse du billet vert observée depuis un an devrait donc doper le commerce mondial de 3 % entre 2017 et 2019.