Comme à son accoutumée, la Russie semble vouloir faire barrage. L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, a annoncé, jeudi 22 février, qu’il n’y avait « pas d’accord » entre les quinze membres du Conseil de sécurité pour imposer un cessez-le-feu humanitaire de trente jours en Syrie, négocié depuis plus deux semaines.

Le diplomate, lors d’une réunion « de discussions » convoquée par Moscou, a dénoncé « les discours catastrophistes » qui ne correspondent pas, selon lui, à la situation sur le terrain. Son homologue suédois, Olof Skoog, a fait savoir à l’issue de la réunion que les discussions allaient se poursuivre, et précisé espérer une mise au vote vendredi d’un projet de résolution rédigé par son pays et le Koweït, prévoyant un mois de cessez-le-feu.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 403 civils, dont 95 enfants, ont été tués depuis dimanche dans l’enclave rebelle de la Ghouta orientale par des bombardements du régime syrien et de son allié russe. Des ONG se sont dites horrifiées par l’ampleur de ces bombardements, d’une rare violence dans un pays pourtant ravagé depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 340 000 morts.

« Un nouvel Alep »

Les Etats-Unis et la France, à travers l’ambassadeur François Delattre, ont fustigé la position de la Russie, qui soutient Damas, et critiqué « les attaques contre les hôpitaux » et une « situation insoutenable » pour les civils.

Ce cessez-le-feu a été demandé le 6 février par les organisations de l’ONU sur le terrain, afin de venir en aide aux 400 000 personnes vivant dans la Ghouta orientale. Il vise à alléger le siège mené par le régime syrien, et à organiser des évacuations sanitaires.

« L’urgence sur le terrain est absolue » et « il est essentiel d’adopter rapidement » la résolution en discussion entre les 15 membres du Conseil de sécurité, a précisé M. Delattre. Il a aussi mis en garde « contre le pire », qui serait « un élargissement du conflit ».

De son côté, le représentant syrien au Conseil de sécurité, Bachar Jaafari, a assuré que « des centaines de roquettes et de mortiers » se sont abattus jeudi sur Damas. « Oui la Ghouta orientale deviendra un nouvel Alep », mais Alep aujourd’hui, « ce sont des millions de personnes vivant tout à fait normalement », a-t-il dit lors d’une allocution de vingt minutes. A Damas, bastion du régime, seize personnes ont été tuées, depuis dimanche, par des tirs d’obus et de roquettes des rebelles depuis la Ghouta orientale, selon les médias d’Etat et l’OSDH.

Ces trois derniers jours, 13 hôpitaux de la Ghouta orientale où intervient l’ONG Médecins sans frontières ont été, par ailleurs, touchés, selon l’organisation. Plus de 13,1 millions de Syriens ont actuellement besoin d’aide humanitaire, dont 6,1 millions de déplacés à l’intérieur du pays depuis le début de la guerre civile, il y a près de sept ans.

La Ghouta orientale, au cœur du conflit syrien

Ancien « poumon vert » de Damas, situé à l’est de la capitale de la Syrie, la Ghouta orientale est un fief rebelle qui fait, depuis 2013, l’objet de bombardements quasi quotidiens.

Cette année-là, le conflit prend un nouveau tournant dans la zone avec des attaques chimiques dans les alentours de Damas ; en mai, les journalistes du Monde sur place sont les premiers à être témoins d’attaques chimiques lancées à l’entrée de la capitale syrienne durant plusieurs jours. Mais c’est surtout lors d’un massacre durant la nuit du 21 août de la même année que ces armes sont utilisées massivement.

A partir de 2015, des dizaines de civils sont affectés par les pénuries de nourriture et de médicaments.

Depuis l’été 2017, la région est censée être une des « zones de désescalade » créées en vertu d’un accord entre la Russie, l’Iran – principaux soutiens du régime – et la Turquie, qui appuie l’opposition. Mais les bombardements n’ont jamais cessé. Le 5 février 2018, le régime lance une offensive aérienne d’une intensité inédite.