Quatre jours après l’attaque d’une école à Dapchi, la plus grande confusion régnait dans cette ville du nord-est du Nigeria où des heurts ont éclaté, jeudi 22 février, entre forces de l’ordre et habitants, toujours sans nouvelles des dizaines de jeunes filles portées disparues.

La police a affirmé mercredi que 111 élèves de l’internat pour filles de Dapchi manquaient à l’appel depuis une attaque menée par des combattants du groupe djihadiste Boko Haram lundi soir. Leur disparition a ravivé la crainte d’un « nouveau Chibok », du nom de la ville de l’Etat voisin de Borno où Boko Haram avait enlevé 276 élèves d’un internat en avril 2014, provoquant une vague d’indignation mondiale. « Le choix des cibles de Boko Haram, des écoles, des marchés et des lieux de culte, reflète la cruauté des organisations terroristes », a estimé jeudi la porte-parole du département d’Etat américain, Heather Nauert.

Le gouverneur de l’Etat de Yobe, Ibrahim Gaidam, a finalement expliqué jeudi aux parents des élèves manquantes qu’elles n’avaient pas été « sauvées » par l’armée, comme l’avait annoncé son porte-parole la veille au soir. « Personne n’a vu ces filles être emmenées dans des véhicules, il est possible que certaines d’entre elles aient croisé des motocyclistes en fuyant et qu’ils les aient emmenées quelque part », a déclaré M. Gaidam.

Les circonstances de l’attaque restent floues

Face à ces annonces contradictoires, des jeunes en colère ont dressé des barricades et incendié des pneus sur la route, caillassant le convoi du gouverneur, a constaté un journaliste de l’AFP. Plusieurs véhicules ont été endommagés par les jets de pierre, tandis que la police et les soldats pourchassaient la foule.

Le gouvernement de Yobe avait été le premier à confirmer officiellement un enlèvement. Mais les circonstances exactes de l’attaque et même le nombre de filles disparues restent très flous, la plupart des enseignants et élèves de ce pensionnat de plusieurs centaines de lits ayant fui dans l’obscurité à travers la brousse pour échapper aux djihadistes en entendant des coups de feu.

Une délégation du gouvernement fédéral a fait le déplacement à l’école – où elle a passé moins d’une heure – depuis la capitale, Abuja, afin de rencontrer le gouverneur et des commandants militaires, avant de repartir en hélicoptère.

Le ministre de l’information, Lai Mohammed, n’a pas fourni beaucoup d’explications, précisant seulement que « certaines élèves ont téléphoné depuis leur cachette, d’autres ont téléphoné depuis d’autres endroits ». « Nous ne pouvons pas affirmer catégoriquement combien de filles ont été enlevées, mais nous pouvons dire que toutes ne sont pas revenues », a-t-il déclaré aux journalistes présents à Dapchi.

Des milliers de personnes ont été kidnappées

Inuwa Mohammed, dont la fille de 16 ans, Falmata, est portée disparue, s’est dit « dévasté par la tournure des événements », affirmant que sa femme venait d’être admise à l’hôpital après s’être évanouie. « Je m’étais réveillé avec le fort espoir de retrouver ma fille, et ma femme avait préparé un accueil chaleureux, tout ça pour entendre que toute cette histoire n’a été qu’une rumeur », a-t-il raconté.

Si les jeunes filles ne sont pas retrouvées rapidement, ce sera un camouflet pour le président Muhammadu Buhari, élu en 2015 sur la promesse de mettre fin à l’insurrection de Boko Haram. Le groupe djihadiste, dont le nom signifie « l’éducation occidentale est un péché », mène depuis 2009 une insurrection sanglante dans le nord-est du Nigeria. Ses attaques et la répression par l’armée ont fait plus de 20 000 morts et 2,6 millions de déplacés. Il a kidnappé des milliers de personnes, dont des femmes et des enfants.

C’est l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok qui avait donné au groupe djihadiste une tragique notoriété sur la scène internationale. Cinquante-sept d’entre elles étaient parvenues à s’enfuir rapidement et, depuis mai 2017, 107 autres sont parvenues à s’évader ou ont été libérées en vertu d’un accord passé entre le gouvernement et Boko Haram.