« Bonjour. Vous avez un pin’s ? »

Pour la majorité d’entre vous, les pin’s sont un souvenir des années 1990 au même titre que les pogs ou l’appareil photo jetable : quelque chose qu’on retrouve dans des tiroirs en se demandant comment on a pu se passionner un jour pour ça. A Pyeongchang, rien de cela : les pin’s sont in.

C’est même « la monnaie des JO, qui vaut souvent plus que l’argent », si l’on en croit le CIO (Comité international olympique). Dans ses « Dix conseils pour une expérience de volontaire valant médaille », l’organisme olympique explique à ses bénévoles que si l’argent ne fait pas le bonheur (Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron approuvent), les pin’s pourraient bien y contribuer.

Et passé quelques jours, le temps que l’atmosphère dégèle – littéralement –, les bénévoles, toujours aussi polis et souriants, se sont mis à proposer d’échanger des pins. En arborant leur collecte sur leurs tours de cou (pas ceux qui cèdent au patin à glace, ceux qui retiennent les accréditations). Et le journaliste français fort marri de se retrouver à expliquer qu’il n’avait pas anticipé cette tradition olympique.

Des pin’s se dissimulent dans cette image. / Le Monde

Des bénévoles, parlons-en justement. Depuis notre arrivée en Corée, on vous a décrit leur accueil chaleureux et systématique (1) – à base de « helloo, welcoome » et de « byyyyye » au retour –, dévoilé le fait que nombre d’entre eux sont des militaires dont la couverture est une parka grise et rose estampillée aux armes de l’organisation (2) et confié un certain souci de communication avec certains (3). Mais alors que la clôture des Jeux s’approche dangereusement (selon des sources proches du dossier, elle aurait lieu ce dimanche), voici les sept commandements du volontaire des Jeux olympiques (un tantinet réécrits pour coller à la réalité expérimentée).

1) Ton irrépressible politesse quoi qu’il arrive tu afficheras

Même face à un Viking te demandant son chemin. Même à la trois mille unième personne à qui tu dis bonjour. Même à 3 heures du matin face à une foule transie réclamant un bus. La rédaction de « Pyeongchang, comme ça se prononce » n’est pas parvenue à dénicher un bénévole désagréable. Statistiquement, il devrait pourtant exister.

Fig. 1 : le salut du volontaire. / Le Monde

2) Ta résistance au froid tu afficheras

Un seul mot : – 19 °C (on sait, ce n’est pas un mot)

Comme les journalistes devant couvrir ces Jeux olympiques, les bénévoles ont voué un culte aux kits autochauffants distribués lors des journées glaciales. Et il semblerait qu’en choisissant une marque américaine outdoor reconnue comme équipementier officiel, les organisateurs aient eu le nez creux.

3) Des journées de onze heures tu feras

Sans être payé (contrairement à ce que notre ministre de la jeunesse et des sports imagine, semble-t-il). En devant sourire tout le temps. Et par un froid frôlant le polaire (voir point 2). Si des membres du CIO ont suggéré que le prix Nobel de la paix soit attribué à l’équipe unie de Corée du Sud en hockey, on peut envisager une mention aux bénévoles.

Avant la tempête. / MIKE BLAKE / REUTERS

4) Tes dents toujours tu brosseras

On l’admet, sur celle-ci, on n’est pas certain qu’il s’agisse d’un commandement du POCOG (les organisateurs, toujours pas ceux de combats de pogs), mais comme l’on a vu plus d’une vingtaine de bénévoles se laver les dents dans différents sites des Jeux, on se devait de le rapporter. Ainsi, au Phoenix snowpark de Bokwang (où ont eu lieu toutes les disciplines acrobatiques), les volontaires sont logés dans une vaste auberge de jeunesse jouxtant les pistes et la tente (en dur) tenant lieu de salle de presse. Et quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit où l’on se rend aux commodités dans ladite auberge, on croise un ou des bénévoles (parfois même des policiers) en train de se laver consciencieusement les dents.

5) Tes places gratuites pour remplir les stades tu dissimuleras

Au fil de la compétition, on vous a signalé que l’affluence – menue au départ – s’améliorait. Naïfs que nous étions. D’après le Korea Herald, ce que nous ont confirmé à demi-mot plusieurs bénévoles, les 16 209 volontaires ont reçu un message les autorisant à demander des billets gratuits pour les événements proches de leurs lieux de villégiature. Ce qui explique sans doute les stades de saut à skis pleins (pour le curling, c’est différent, c’est en train de devenir à la mode en Corée du Sud). En revanche, le mémo précise que cette mesure « ne devait pas être rendue publique » (sans doute histoire de pouvoir continuer à annoncer des taux de remplissage fantaisistes). A priori, mission ratée.

6) Au président en cas de complainte tu écriras

Pourquoi y aurait-il lieu de se plaindre devant un tel tableau de bonheur ? Quelques menus inconvénients sont venus enrayer la marche de certains bénévoles. Comme des chambres trop remplies, de la nourriture en quantité insuffisante, des soucis de tuyauteries, le fait d’être bloqué sur un site faute de bus dédiés… Du coup certains bénévoles ont employé la méthode fétiche des Coréens : envoyer une pétition à la Maison bleue (pas celle adossée à la colline, celle qui abrite la présidence coréenne).

Car depuis que le président Moon Jae-in a annoncé que le site de la présidence serait une tribune pour les citoyens, les Coréens s’en donnent à cœur joie. La situation a été reconnue par une porte-parole de l’organisation en début de Jeux, annonçant qu’ils faisaient tout pour résoudre ces problèmes concernant les volontaires, le « visage des Jeux olympiques ».

7) A la fin de ta mission, comme à la colo une photo de famille tu feras

Ce n’est pas parce que tes Jeux sont finis qu’il faut oublier l’essentiel.

Et pourquoi cette photo devrait être prise de face  ? / Le Monde

(1), (2) et (3), voir les épisodes précédents.