En novembre 2017 à Kinshasa. / JUNIOR KANNAH / AFP

Tribune. Depuis quelques mois, la République Démocratique du Congo traverse des heures tragiques dont le plus lourd tribut est payé par des populations civiles innocentes.

Tout récemment, un groupe d’intellectuels de ce pays a entrepris la courageuse démarche de s’associer à leur peuple dans leur volonté de faire assurer les conditions démocratiques les plus élémentaires pour l’organisation d’élections réellement crédibles.

Il n’est question ici que du respect des libertés publiques, revendiqué au nom d’une communauté nationale qui n’a que trop souffert et ne cesse de souffrir des effets de conflits successifs dont sont victimes les couches les plus vulnérables de la population. Il s’agit d’un mouvement pacifique qui monte des profondeurs du pays auquel s’associent les autorités religieuses, dont on ne peut suspecter le désir de paix et qui sont par nature opposées à toute forme de violence. Or, la réponse qui leur est faite est précisément la violence armée. Par deux fois, au cours des manifestations du 31 décembre 2017 et du 21 janvier 2018 des pertes de vies humaines ont été déplorées, et la liberté d’universitaires qui ont pris fait et cause pour leur peuple est menacée.

Nous craignons que dimanche 25 février, date programmée pour la prochaine marche des chrétiens, soit l’occasion d’une nouvelle répression disproportionnée dont seront victimes des participants aux mains nues.

Exigences légitimes

Des universitaires ont pris l’initiative de se joindre à la clameur populaire et de s’en faire l’écho. Ce ne sont pas des professionnels de la politique, ce sont de simples citoyens conscients de leurs responsabilités devant l’Histoire. Les nouvelles qui nous parviennent nous amènent à nous inquiéter sur leur sort.

Parmi eux, Isidore Ndaywel dont les travaux sur l’histoire de son pays font autorité et constituent des ouvrages de référence. Cet éminent homme de culture, ancien fonctionnaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui a participé au combat pour la promotion de la diversité culturelle, a été l’un des artisans les plus efficaces de la création du prestigieux Prix des cinq continents qui a honoré et révélé tant d’écrivains francophones. Isidore Ndaywel enfin a été le commissaire de la RDC chargé de l’organisation du XIVe Sommet de la Francophonie à Kinshasa, en 2012. Il s’est acquitté avec succès de cette tâche dont les résultats ont été au bénéfice du gouvernement congolais. Parce que ses amis et lui sont d’authentiques intellectuels, parce qu’il s’agit du plus grand pays francophone du monde, il est de notre devoir de veiller à ce que la liste des martyrs déjà longue ne s’allonge pas.

Nous lançons cet appel en tant qu’intellectuels, créateurs, artistes, d’Afrique et de la Francophonie tout entière, démocrates et militants pour le respect des droits humains, et demandons aux autorités de la République démocratique du Congo (RDC) de faire preuve de retenue, de privilégier le dialogue à la répression. En prenant de la hauteur, en mettant les intérêts de la Nation au-dessus de toute autre considération, en faisant preuve de maturité, en répondant de manière positive aux exigences légitimes de leur peuple, elles se hisseront à la hauteur du destin d’un pays situé au centre géographique et historique du grand continent qu’est l’Afrique.

SIGNATAIRES Adame Ba-Konaré, historienne ; Kidi Bebey, écrivaine ; Catherine Coquery-Vitrovitch, historienne, professeue émérite (université Paris-Diderot) ; Bob Kabamba, directeur Cellule d’Appui politologique Afrique-Caraïbes (CAPAC, Université de Liège, faculté de droit, de science politique et de criminologie) ; Lazare Ki-Zerbo, professeur de philosophie ; Henri Lopes, écrivain ; Boniface Mongo-Mboussa, critique littéraire ; Roland Pourtier, professeur émérite (université Paris-I Panthéon Sorbonne) ; Hamidou Sall, écrivain.