• Ludwig Van Beethoven
    Symphonie n° 1 en ut majeur, op. 21. Concerto pour piano et orchestre en ut majeur, op. 15

    Martha Argerich (piano), Mito Chamber Orchestra, Seiji Ozawa (direction)

Pochette de l’album « Symphonie n° 1 – Concerto pour piano et orchestre en ut majeur », de Ludwig van Beethoven par Martha Argerich (piano), Mito Chamber Orchestra, Seiji Ozawa (direction). / DECCA/UNIVERSAL MUSIC

La rencontre phonographique de deux monstres sacrés – le chef d’orchestre Seiji Ozawa et la pianiste Martha Argerich – n’est pas forcément spectaculaire. Comme si les deux artistes aux cheveux d’argent n’avaient jamais rompu le fil qui les lia quarante ans plus tôt alors que la « lionne » faisait des débuts fracassants avec l’Orchestre symphonique de Boston dans le Troisième concerto de Prokofiev. Enregistré à Oita, au Japon, dans le cadre de la 19e édition du Festival de Beppu que préside la pianiste, l’album professe un do majeur énergique et sanguin, encore inféodé à la lumineuse élégance mozartienne. Argerich puise visiblement dans le Premier concerto un élixir de jouvence. Vertigineux de précision, de lyrisme, de poésie, son piano chambriste lève des mystères insoupçonnés, laissant parfois l’articulation flirter avec les contours plus secs du pianoforte. Seiji Ozawa tend à la belle un miroir idéal. Magiques moments d’introspection à deux, quasi atemporels, dans le « Largo ». A la tête de son Mito Chamber Orchestra, Ozawa livrera une Symphonie d’une maturité étonnamment juvénile, dépourvue de la moindre mièvrerie jusque dans le magnifique « Andante cantabile ». De savoureuses vendanges tardives beethovéniennes inimitables de belle jeunesse. Marie-Aude Roux

1 CD Decca/Universal Music.

  • Thomas Ospital
    Convergences

    Œuvres de Jean-Sébastien Bach et Thierry Escaich. Improvisations de Thomas Ospital (orgue)

Pochette de l’album « Convergences », de Thomas Ospital. / RADIO FRANCE/OUTHERE

Thomas Ospital (né en 1990) apparaît déjà comme un maître de l’orgue, instrument-orchestre qui exige autant de créativité dans l’instant que dans le long terme. Enregistré sur le titanesque Grenzing de l’auditorium de Radio France, ce programme intelligemment conçu illustre l’aptitude du musicien à échafauder une architecture de cathédrale tout en tenant compte des moindres variations de luminosité d’un vitrail. L’image est valable pour Jean-Sébastien Bach (Prélude et fugue en la mineur, entre autres), autant que pour Thierry Escaich dont les Etudes-Chorals – pièces rayonnantes, au devenir imprévisible – pourraient tout aussi bien être qualifiées de « fantaisies ». En revanche, les improvisations glissées par Thomas Ospital entre les œuvres de ses aînés portent bien leur nom. Et ces Visions confirment que leur auteur possède le sens de la trajectoire. Pierre Gervasoni

1 CD Radio France/Outhere.

  • Gaël Horellou
    Coup de vent

Pochette de l’album « Coup de vent », de Gaël Horellou. / FRESH SOUND RECORDS (SÉRIE « NEWTALENT »)/SOCADISC

Membre du formidable collectif Mu, au milieu des années 1990, pépinière de talents du jazz, fondateur avec le batteur Philippe Garcia de Cosmik Connection, formation novatrice de l’électro-jazz, le saxophoniste Gaël Horellou va et vient entre le jazz des années 1950 et 1960 et l’exploration de ses liens avec des formes plus électriques, à l’occasion les musiques dites « du monde » (celles de La Réunion en particulier). Pour Coup de vent, son nouvel album, il enthousiasme en formation acoustique, en référence avec le hard bop (Art Blakey) et les propulsions lyriques du quartette de John Coltrane. Avec lui, un ensemble soudé, le pianiste Etienne Déconfin, le contrebassiste Viktor Nyberg, le batteur Antoine Paganotti et, en invité, le trompettiste américain Jeremy Pelt. Les compositions, solides, avec de belles nuances d’écriture (The Gale Force, Spiral Dance…), signées Horellou, à l’exception de Melody écrite par Déconfin et de Blame It on My Youth, standard des années 1930, d’Oscar Levant et Edward Heyman, permettent aux musiciens un déploiement soliste généreux et expressif. Du jazz classique porté à l’incandescence. Sylvain Siclier

1 CD Fresh Sound Records (série « NewTalent »)/Socadisc.

  • Ezra Furman
    Transangelic Exodus

Pochette de l’album « Transangelic Exodus », d’Ezra Furman. / BELLA UNION/PIAS

Grandi à Chicago, Ezra Furman a produit, depuis 2007, en solo ou accompagné de groupes (The Harpoons, The Boyfriends), une demi-douzaine d’albums titubant entre glam, swing rétro et punk émacié. Foutraque, attachant, irrégulier, ce prolifique excentrique, dont la bisexualité s’affiche en robe et hauts talons chancelants, présente cette fois un opus, Transangelic Exodus, aux allures de road-movie. Incarnant un garçon amoureux d’un ange, pourchassé par une Amérique réprimant les différences, le chanteur distille une fresque springsteenienne dont les antihéros ne sont pas des laissés-pour-compte prolétaires, mais des rebelles transgenres. Vibrant d’un lyrisme écorché et rageur, accentué par la rugosité de la production, les chansons s’emballent souvent avec panache (Suck the Blood from My Wound, Maraschino Red Dress $ 8.99 at Goodwill…), même si les saturations colériques usent parfois les nerfs. Le magnifique God Lifts Up the Lowly constituant un des rares moments d’apaisement de ce Born to Run queer. Stéphane Davet

1 CD Bella Union/PIAS.

  • Femi Kuti
    One People One World

Pochette de l’album « One People One World », de Femi Kuti. / PARTISAN RECORDS/PIAS

Femi sort son dixième album une semaine avant celui de son frère cadet, Seun (Black Times, sur le label anglais Strut Records), qui, lui, en est à son quatrième. Vingt ans séparent les deux frères nigérians. Ils partagent la même flamme et le même héritage : l’afrobeat, le puissant cocktail dansant inventé par leur père, Fela, décédé en 1997, et son sens du coup de gueule et de la diatribe mis en chansons. Chanteur, saxophoniste, mais également, claviériste et trompettiste, Femi, dont la voix nerveuse s’affine parfois de douceur soul, signe un album palpitant, enregistré et produit à Lagos par Sodi, le producteur français avec lequel il travaille depuis des années. Il s’entoure d’une solide section de cuivres qui donne une brillance étincelante à sa musique, funky en diable. S’il n’a rien perdu de sa pugnacité, après No Place for My Dream, son album précédent (2013), il semble aujourd’hui accepter de rêver, au point de lancer quelques messages d’espoir (Africa Will Be Great Again) et de réconciliation (One People One World). Et de faire de l’utopie son nouveau carburant ? Patrick Labesse

1 CD Knitting Factory-Partisan/PIAS.