Au début, personne n’y a cru. Mais vendredi 23 février, l’Elysée a confirmé l’information de BFM-TV : Emmanuel Macron jouera bien dans Pierre et le Loup jeudi 1er mars, dans la salle des fêtes du palais, devant 200 invités. Il sera le « récitant », figure clé du conte musical de Prokofiev.

Dans les jours qui précèdent, le président répétera ce spectacle, qui se tient dans le cadre des « jeudis (culturels) de l’Elysée » instaurés par le couple Macron depuis l’été. Le 5 octobre, le violoniste Renaud Capuçon a joué avec l’orchestre de la garde républicaine. Le 23 novembre, c’était le tour du chœur de l’armée française. « Depuis le général de Gaulle, il y a eu peu de concerts à l’Elysée, a introduit le chef de l’Etat la première fois. Nous voulions, avec Brigitte, renouer avec cette tradition. »

Le président n’avait pas précisé alors qu’il pourrait être l’acteur de ces soirées. Un geste inhabituel. Si ses prédécesseurs avaient tous organisé des événements culturels à l’Elysée, aucun ne s’était ainsi mis en scène. « Et pourquoi pas ? », interroge un conseiller. En mai, Macron avait d’ailleurs justifié ainsi son dîner controversé à la Rotonde : « C’est mon plaisir. »

En se produisant sur scène, le chef de l’Etat, qui utilise le château de Versailles comme atout symbolique d’un pouvoir vertical, se met de facto dans les pas de Louis XIV. Féru de danse, le jeune roi interprétait des personnages dans les ballets donnés à la cour. Ce faisant, a analysé l’essayiste Jean-Marie Apostolidès (Le Roi-Machine, spectacle et politique au temps de Louis XIV, Editions de Minuit, 1981), le monarque « produit sa propre image solaire dans la représentation ».

Soirée « très simple »

A l’Elysée, on coupe court à la comparaison. « Pour qu’il y ait cour, il faut qu’il y ait courtisans », indique un conseiller qui précise que le public sera composé des personnels du palais, de pupilles de la nation ou d’enfants des hôpitaux… « Il n’y aura pas de people, pas de VIP mais la lingère de l’Elysée et son fils », insiste ce conseiller, qui parle d’une soirée « très simple ».

Macron s’est initié au théâtre avec Brigitte Auzière, sa professeure au lycée de la Providence d’Amiens. Le documentaire de Pierre Hurel (Emmanuel Macron, la stratégie du météore) montre le jeune Emmanuel grimé en épouvantail, les bras en croix, dans une adaptation de Jean Tardieu. « Macron, c’est Fregoli, un transformiste, un comédien, il adore ça ! », sourit un ancien député qui s’était amusé de voir le président revêtir un treillis, une combinaison de sous-marinier ou un maillot de foot, au début du quinquennat.

Une mise en scène de soi qui ne fait pas l’unanimité. « Pendant que les caméras filment le roi qui chante avec les enfants, elles ne s’occupent plus de la colère de leurs parents », politise le patron des députés PS, Olivier Faure. « On commence par la grandeur de Versailles mais on peut terminer par le Ridicule de Patrice Leconte », met en garde un familier de l’Elysée.

Par ce geste, « Macron veut sans doute montrer qu’il est jeune et aime la culture, analyse un ancien conseiller du pouvoir. Il fera passer ceux qui le critiquent pour des rabougris de l’ancien monde, vautrés dans les passions tristes. » Il est vrai qu’en brandissant cet argument, ce président « disruptif » peut tout se permettre.