La 55e édition du Salon de l’agriculture a ouvert ses portes, samedi 24 février à Paris. / GERARD JULIEN / AFP

Viendra, viendra pas ? « Je m’en fiche un peu », sourit Monique Brillet-Abbé. À la vérité, elle n’est pas mécontente de garder et présenter ses moutons d’Ouessant à l’abri de l’inévitable cohue provoquée par le cortège protocolaire et médiatique qui a suivi Emmanuel Macron dans sa visite du salon de l’agriculture, samedi 24 février. La mine effarée, elle évoque ses souvenirs de l’an passé, lorsqu’en pleine campagne présidentielle, la race bretonne étant alors à l’honneur porte de Versailles, son stand s’était trouvé sur le passage du candidat Macron. « C’était la folie. J’ai cru qu’ils allaient tout casser », dit-elle.

Au calme, elle prend le temps de parler de ses bêtes. Peu sensibles aux aléas de la « start-up nation », ses moutons, convient-elle, ne sont « rentables en rien car trop petits en tout ». Ces derniers de cordées ont double toison, on peut y plonger les mains pour se les réchauffer. Mais à un peu moins de 50 cm au garrot, la laine en moins, il ne reste qu’« une petite crevette », « de quoi manger pour cinq à six personnes ». Quand on aime, on ne compte pas. Monique Brillet-Abbé vante la rusticité de ses bêtes dont la race remonte à « des millénaires », plaide inlassablement pour sa sauvegarde, met en garde contre les croisements opérés par des éleveurs ignares et/ou indélicats.

« Il y a de moins en mois d’éleveurs »

De grandes cousines sont à quelques encablures de là. Quelques brebis des Pyrénées voisinent avec des fromages issus de leur lait. Désiré Loyatho est à la tête, avec son épouse, d’un élevage de 500 bêtes. Ils ont quatre salariés, dont leur fille. Malgré les « primes européennes », le lait ne suffirait pas : il serait « produit à perte », explique-t-il. La rentabilité, voire quelques bénéfices, sont dus à la transformation du produit et à sa commercialisation sur place, par la vente directe. La famille a suivi le processus : Désiré Loyatho est un berger dans l’âme, et il ne changera pas. Mais sa fille, dit-il, est « une fromagère ».

À la basse-cour, le commissaire du lieu, Dominique Vasseur, ne s’attend pas trop à voir débouler président, ministre, perches et caméras. En exposant expérimenté - il n’a pas manqué un salon depuis 1983 -, il sait que les politiques préfèrent se montrer auprès des « grosses bêtes du hall 1 ». Ils ne font ici, au mieux, qu’un « petit passage ». Et encore, essentiellement en raison de la proximité du stand de la FNSEA, ce passage obligé. Le léger brouhaha ne suffit pas à couvrir le chant des (superbes) coqs. À la tête d’une exploitation de céréales dans l’Orne, Dominique Vasseur n’élève des lapins, qu’il fait concourir au salon, que pour son « loisir ». « Il y a de moins en moins d’éleveurs, et de moins en moins de jeunes », soupire-t-il. Si ses propres enfants « ont baigné dedans », aucun ne semble désireux de prendre la relève. En tout cas pas l’aîné, âgé de 28 ans, qui « n’est pas intéressé ».

L’Aubrac à l’honneur de cette édition 2018

C’est l’Aubrac, cette année, qui est à l’honneur. La « star » du salon ne se nomme pas Jupiter, mais « Haute », ce qui n’a rien d’un diminutif. Les bras se tendent par dizaines, téléphones portables en main, pour immortaliser la placidité de cette majestueuse vache de 6 ans, qui s’occupe bien davantage de son veau que de ses admirateurs. Nathalie Blondel, des jardins botaniques de l’Aubrac, espère que le président ne se contentera pas de contempler la bête, mais viendra faire un tour au stand de la région qui l’a vu naître.

L’Aubrac est à l’honneur de cette édition 2018 du Salon de l’agriculture. / GERARD JULIEN / AFP

Elle lui rappellerait, s’il ne le sait déjà - « ce qui serait inquiétant », estime-t-elle -, que l’Aubrac sera sous peu estampillé « parc naturel régional ». Un couteau Laguiole a été mis de côté au cas où, en guise de cadeau. Mais le chef de l’Etat aura-t-il un sou en poche, à donner en retour, comme le veut l’usage, afin de « ne pas rompre l’amitié » ? Qu’importe, les mots aussi sont prêts à accueillir M. Macron : « Il faut aider les jeunes agriculteurs à s’installer, inciter les gens à revenir vivre dans les campagnes, arrêter de les vider de leurs services publics », répète Cécile, de l’office du tourisme d’Argences en Aubrac.

Les « importants » sont mieux lotis et organisés. La fédération nationale porcine a sa « maison » dans le salon, un préfabriqué où ses responsables peuvent recevoir. M. Macron est venu dans la matinée y passer « 30 minutes », explique Paul Auffray, président de cette organisation. Il lui a fait passer quelques messages. Sans être dupe de la nature de cet exercice : « C’est beaucoup de communication. Du folklore franco-français ».