Editorial du « Monde ». A quoi le gouvernement joue-t-il ? Les organisations syndicales, à l’exception de la CGT, et patronales ont bouclé positivement deux négociations nationales interprofessionnelles d’importance. Jeudi 22 février à l’aube, elles ont conclu un accord sur la réforme de la formation professionnelle. Dans la soirée du même jour, elles ont trouvé un compromis – jugé encore la veille très improbable – sur la transformation de l’assurance-chômage. Sur ces deux chantiers annoncés par Emmanuel Macron durant sa campagne électorale, les partenaires sociaux estiment avoir suivi, dans les grandes lignes, les « feuilles de route » de Muriel Pénicaud, la ministre du travail. Mais rien n’indique que le gouvernement en tiendra compte quand il présentera le projet de loi qui doit englober les deux réformes. Au contraire.

Sur la formation professionnelle, Mme Pénicaud a qualifié le résultat d’« insuffisant », tout en reconnaissant « un vrai progrès pour les droits des salariés ». La ministre a indiqué qu’elle dévoilerait, mardi 27 février, les contours du « big bang » qu’elle juge impératif sur « l’architecture du système ».

Un scénario similaire se profile sur l’assurance-chômage. M. Macron avait prôné un système de bonus-malus sanctionnant les entreprises s’adonnant avec excès à la pratique des contrats de travail courts. L’accord prévoit des négociations dans les branches professionnelles pour prendre des « mesures permettant de modérer le recours aux contrats courts et d’allonger les durées d’emploi ». Il prend acte de la volonté du gouvernement, « si ces mesures étaient insuffisantes », d’instaurer des pénalités pour les entreprises n’ayant pas assez œuvré à la réduction de la précarité. Là encore, la ministre dira, « dans quelques jours », « ce qu’on retient et aussi si on considère qu’il faut aller plus loin ».

« Big bang » et « effet boomerang »

Le gouvernement n’a pas pris les partenaires sociaux en traître. Dès le départ, il a prévenu qu’il ne serait pas automatiquement engagé par d’éventuels accords. Mais, en les considérant comme des chiffons de papier, il est en train d’inventer l’accord suspensif, soumis à son bon vouloir. Les syndicats conditionnent leur aval aux garanties que leur donnera l’exécutif. « On ne sera signataire, a prévenu la CFDT sur l’assurance-chômage, que si l’Etat s’engage à respecter l’accord dans tous ses termes. » Force ouvrière a décidé de signer sur la formation, mais a averti en même temps que les acteurs sociaux « ne sauraient être des sous-traitants gouvernementaux » : « La liberté de négociation ne se découpe pas en rondelles et tout big bang peut avoir un effet boomerang. »

M. Macron a habilement organisé une vraie concertation sur la réforme du code du travail. En acceptant des négociations sur la formation et l’assurance-chômage, il avait privilégié la même voie. Mais l’attitude de l’exécutif sur leurs résultats ressemble à une marche arrière. Un dialogue social en trompe-l’œil ? Sur la réforme, nécessaire, de la SNCF, le gouvernement n’écarte pas un passage en force. Christophe Castaner, secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, a évoqué la « possibilité » de recourir aux ordonnances pour « aller vite ». Une fausse bonne idée, qui escamoterait tout débat public et jetterait surtout de l’huile sur le feu. Divisés, les syndicats n’ont prévu pour l’heure qu’une manifestation nationale le 22 mars. Des ordonnances feraient courir le risque d’un conflit social majeur.