L’investisseur Warren Buffet le 3 octobre 2017 à Omaha, dans le Nebraska. / NATI HARNIK / AP

Les boursicoteurs attendent chaque année avec impatience la lettre de Warren Buffett à ses actionnaires. Ils espèrent suivre les préconisations de l’investisseur génial, surnommé l’« oracle d’Omaha » (Nebraska), sa ville d’origine, capitale des éleveurs et porte d’entrée de l’Ouest américain. Cette année, l’oracle a surtout révélé le passé : son entreprise Berkshire Hathaway a enregistré, en 2017, 29 milliards de bénéfices supplémentaires… grâce à Donald Trump.

Techniquement, la réforme fiscale adoptée fin décembre a conduit à une baisse des provisions pour impôts, les profits ne devant plus à l’avenir être imposés qu’à 21 % contre 35 % auparavant. Résultat, le bénéfice net de Berkshire Hathaway a doublé, passant de 24 à 45 milliards de dollars entre 2016 et 2017. Comme l’écrit pudiquement Warren Buffett, « une large part de nos profits ne viennent pas de quoi que ce soit que nous ayons réalisé ».

M. Buffett, deuxième fortune mondiale derrière Bill Gates selon le magazine Forbes, avait soutenu en 2016 Hillary Clinton et encaisse les bénéfices d’une réforme fiscale qu’il avait combattue à l’automne. « Nous avons beaucoup d’activités, 60 ou 70. Je ne pense pas qu’une seule d’entre elle soit non compétitive dans le monde à cause du taux de l’IS », avait déclaré l’intéressé sur CNBC. Ce dernier est plus inquiet des coûts prohibitifs de la santé qui pèsent sur l’économie américaine, et a annoncé cet hiver le lancement avec Amazon et JPMorgan d’une assurance médicale pour les salariés des trois géants.

Un trésor de guerre de 114 milliards de dollars

Pour l’avenir, M. Buffett, qui est très investi dans l’assurance, a prédit des catastrophes bien plus coûteuses que les trois ouragans qui ont dévasté le golfe du Mexique à la fin de l’été 2017. Mais sur le reste, c’est le brouillard. Il n’a pas donné d’indice sur sa succession, alors qu’il est âgé de 87 ans. L’affaire se prépare discrètement, puisque l’homme d’affaires a annoncé qu’il se retirait du conseil d’administration de Kraft Heinz (ketchup) dans laquelle il a une participation de 25 milliards de dollars. Surtout, en janvier, il a promu vice-présidents deux de ses adjoints : Ajit Jain, 66 ans, chef des activités de réassurance et Greg Abel, 55 ans, spécialiste de l’énergie et qui supervise les autres activités.

Surtout, M. Buffett est en panne d’investissements. Début 2017, Kraft Heinz a finalement dû renoncer à acquérir le néerlandais Unilever pour 143 milliards de dollars. In fine, Berkshire Hathaway (500 milliards de dollars de capitalisation) n’a presque rien acheté l’an dernier. La grande coupable, l’envolée du prix des entreprises. Les prix d’acquisitions « ont été un obstacle à virtuellement toutes les opérations que nous avons regardé en 2017 », écrit ainsi M. Buffett à son million d’actionnaires, en critiquant ceux qui poussent aux achats à outrance : les banquiers d’affaires, « qui flairent les énormes commissions », les patrons, qui rêvent de groupes plus gros pour avoir des rémunérations plus élevées.

« Nous devons gérer nos affaires avec d’autant plus de prudence lorsque les autres le font avec moins de prudence », poursuit celui qui se trouve néanmoins bien ennuyé avec un trésor de guerre de 114 milliards de dollars non investis. Il s’est voulu toutefois rassurant pour ses actionnaires : « En dépit de notre récente pénurie d’acquisitions, nous croyons que, régulièrement, Berkshire aura l’opportunité de faire de très grandes acquisitions ».