Marine Le Pen au Salon de l’agriculture le 28 février. / GERARD JULIEN / AFP

Tapis rouge, perches tendues, face caméras. « Oui c’est chez moi, le monde rural c’est chez moi. » Marine Le Pen vient de faire son entrée au Salon de l’agriculture, mercredi 28 février, et elle ne compte pas se faire chiper la vedette dans son propre habitat. Les agriculteurs, leurs campagnes, les « oubliés », comme ils sont volontiers labellisés… Le parti d’extrême droite en a fait sa terre de conquête depuis des années. Alors, dès son arrivée, sa présidente sonne le rappel devant la nuée médiatique.

Qu’importe le défilé politique de l’édition 2018 de la campagne à Paris, depuis son lancement samedi, « nous, on a toujours été là », lâche-t-elle avant de resserrer ses coups. N’épargnant pas Emmanuel Macron, « qui enfonce le dernier clou sur le cercueil des agriculteurs » ; ni Laurent Wauquiez, venu polir la veille son image d’homme de terroir. « Les Républicains sont complices (…) du massacre organisé de l’agriculture française », cingle Marine Le Pen, qui dénonce, après « l’insincérité », la « duplicité » du leader de la droite.

« Venir dans les travées du salon expliquer qu’on est contre les accords de libre-échange quand parallèlement on les fait voter par ses députés au Parlement européen, c’est un comportement duplice. »

Des vaches de l’Aubrac aux porcs du Limousin, la patronne du FN vitupère sans relâche contre « l’absurdité bruxelloise », dénonçant ici le Ceta (le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada), là le Mercosur (référence au projet d’accord entre l’UE et quatre pays sud-américains qui faciliterait, notamment, l’importation de bœuf). Tançant, partout, l’Europe.

« Nous allons nous battre aux côtés des agriculteurs pour éviter que Monsieur Macron et ses complices du parti Les Républicains transforment le Salon de l’agriculture en musée parce que, entre le CETA, le Mercosur et la baisse programmée des aides de la PAC, le plan social massif de l’agriculture finit sur un massacre. »

« Il va falloir qu’elle s’améliore »

« Fais voir, elle est mieux en vrai qu’à la télé ? » Dans les travées, des dizaines de curieux brandissent leurs téléphones à bout de bras pour attraper une image de la « peopolitique » du jour. Un électricien lui fait signer son billet d’entrée. Une petite fille grimpe sur des épaules maternelles pour « faire coucou à Marine ». Certains montent jusque sur les rebords des enclos pour gagner quelques mètres, et l’apercevoir. Au grand dam d’un jeune homme tentant de maintenir un semblant de sécurité sur son passage : « Derrière vous, c’est une bête d’une tonne et demie, soyez raisonnable, monsieur. » Difficile de lutter contre l’effet « vue à la télé ».

Fier comme un coq, un garçonnet montre un écran à son père. C’est bon, il l’a « eue ». Entre celles des cochons et des bébés moutons, les deux enfants de Gérald Nicolas repartiront de cette petite sortie du mercredi avec leur photographie de la dirigeante d’extrême droite. A 45 ans, ce fonctionnaire vote FN depuis plus de vingt ans. S’il devait résumer pourquoi, il dirait qu’il est « contre l’injustice, contre l’assistanat, et pour la peine de mort ». Marine Le Pen, il a tout de même bien un reproche à lui faire : comme beaucoup, il l’a trouvée « vraiment pas à la hauteur » au cours de son débat raté, justement « vu à la télé ». Gérald Nicolas votera tout de même FN aux prochains scrutins – parce que « qui d’autre ? » – mais « il va falloir qu’elle s’améliore ».

Alain l’éleveur du Tarn, lui, a serré la main pas moins de deux fois à « Marine ». Il en a profité pour vanter les mérites de ses blondes d’Aquitaine et partager ses inquiétudes sur le Mercosur. Sortir de l’Union européenne, Alain n’est « pas trop pour », mais il trouve tout de même qu’elle a « souvent pas tort », Marine Le Pen. D’ailleurs, il vote pour elle. « Même si je suis pas bien sûr qu’elle aurait vraiment la solution. »

« Qu’est-ce qu’elle y connaît à la terre ? C’est des foutaises ! »

Un drapeau bleu-blanc-rouge attire la délégation frontiste sur un autre stand. « Vous tombez bien ! », s’avance Philippe Nolot, ravi de pouvoir montrer à la patronne du FN qu’elle n’est pas complètement « chez elle » : « Vous n’avez rien à faire ici, vous êtes foutue ! » lui jette l’éditeur quinquagénaire, premier opposant, du moins ouvertement. Que François Hollande, puis Emmanuel Macron après lui se fassent siffler sur le salon alors que Marine Le Pen y déambule sans être chahutée le surprend toujours autant. Il bouillonne :

« Elle parle aux agriculteurs depuis sa charmante petite demeure ? Qu’est-ce qu’elle y connaît à la terre ? C’est des foutaises ! Elle est partout où il y a des problèmes, parce qu’elle peut vendre plus facilement sa soupe. »

A la fin de la journée, Marine Le Pen aura finalement compté quelques huées et un « facho ! » hurlé, sans plus de conviction que les applaudissements tentant de couvrir les timides opposants. Des élèves du lycée agricole d’Orthez viennent l’attraper. Ils doivent absolument lui présenter Héroïne, la blonde d’Aquitaine de 940 kg qu’ils présentent au trophée national des lycées agricoles. Un sourire, une photo de classe, et elle repart. Pourquoi Marine Le Pen, que représente-t-elle pour ces futurs agriculteurs ? Sarah Vallet, 18 ans, intervient et clôt le débat : « On ne fait pas de politique ici. On ne se positionne pas. » Si la photo est bonne.