Deux dauphins pris au piège dans un filet, dans le golfe de Gascogne, en février (extrait d’une vidéo de l’ONG Sea Shepherd). / Alejandra Gimeno/Sea Shepherd

« Comment la France extermine ses dauphins ». C’est l’intitulé-choc de la campagne qu’a lancée mardi 27 février l’ONG de protection des océans Sea Shepherd, afin, explique-t-elle, d’« alerter sur le sort des dauphins le long des côtes françaises ». Sur la seule période de janvier à mars, affirme-t-elle, et au large des seules côtes de Vendée et de Charente-Maritime, quelque 6 000 dauphins sont tués en moyenne chaque année, victimes des chalutiers pélagiques utilisant des filets traînés par deux bateaux (technique dite « en bœuf »), et des chalutiers industriels. Des chiffres bien supérieurs, indique-t-elle, à ceux des cétacés abattus, selon des méthodes de chasse traditionnelles, dans les îles Féroé (Danemark) et la baie japonaise de Taiji, où ces « massacres » sont plus médiatisés.

A l’appui de sa dénonciation, Sea Shepherd rapporte qu’un de ses navires, le Bob Barker, a patrouillé dans cette zone le week-end du 24 février, sur le plateau de Rochebonne (un haut-fond du golfe de Gascogne), et a filmé deux chalutiers remontant des dauphins pris au piège dans leurs filets. « Cette scène macabre se reproduit toutes les nuits, toute l’année, avec un pic entre janvier et mars », dénonce l’ONG.

Opération "Dolphin ByCatch": Comment la France extermine ses dauphins
Durée : 00:43

Des mammifères « particulièrement vulnérables »

En cause, la pêche au bar, sur des « zones de frayère » (où se reproduisent les dauphins) et en pleine période de reproduction. « La mortalité infligée aux dauphins par les bateaux de pêche met en péril la survie de la population à moyen terme », s’inquiète Sea Shepherd. D’autant, poursuit-elle, que ces mammifères marins « sont particulièrement vulnérables, avec une faible fécondité et une grande sensibilité à la pollution chimique et plastique ». A quoi s’ajoute la raréfaction de leurs ressources alimentaires, du fait de la surpêche. « Si nous voulons encore voir des dauphins en France demain, il est urgent de prendre des mesures de protection drastiques », prévient l’ONG.

Elle demande donc à l’Etat d’interdire la pêche au chalut sur les zones de reproduction du bar, de mettre en place une meilleure surveillance des pêcheries et de désigner un organisme – tel que l’observatoire Pelagis, rattaché au CNRS et à l’université de La Rochelle – pour centraliser les données sur les captures de dauphins par les engins de pêche. Quant aux consommateurs, elle les invite à « manger moins de poisson » et à « boycotter systématiquement les poissons issus de la pêche au chalut ».

Des systèmes de « dissuasion acoustique »

Mercredi, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, et celui de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, ont assuré dans un communiqué que « la France rest [ait] mobilisée pour limiter les captures accidentelles de petits cétacés en Atlantique ». Un groupe de travail sur ce sujet a été mis en place à l’hiver 2016-2017, à la suite de l’échouage de 800 dauphins sur le littoral, entre Arcachon (Gironde) et les Sables-d’Olonne (Vendée). Un phénomène en hausse ces dernières années, que les experts attribuent, dans une majorité des cas, aux blessures provoquées par des captures accidentelles.

Les deux ministères précisent que ce groupe de travail a pour objectifs de « mieux comprendre les interactions entre les flottes de pêche et les populations de petits cétacés [dauphins, marsouins…] dans le golfe de Gascogne », d’« améliorer le suivi des captures accidentelles » et de « prévenir » ces dernières. L’une des pistes envisagées est le recours à des émetteurs d’impulsions sonores repoussant les cétacés hors des zones où ils risquent d’être pris dans un engin de pêche. De tels systèmes de « dissuasion acoustique » sont en cours d’expérimentation et un appel à projet a été lancé en janvier.