Documentaire sur France 5 à 20 h 55

D’ici à 2050, si nous continuons à produire et à consommer de la viande comme nous le faisons aujour­d’hui, l’humanité aura besoin d’une demi-planète de plus. C’est par ce constat, glacial, que débute le film de Benoît Bringer. Réchauffement climatique, traitement indigne des animaux, produits cancérigènes : l’agriculture intensive à l’œuvre dans les pays industrialisés pose de sérieux problèmes de consommation et d’environnement.

Alors que des organismes génétiquement modifiés (OGM) interdits en Europe viennent d’être découverts dans des aliments pour animaux en France, Faut-il arrêter de manger les animaux ? arrive à point nommé. Cette enquête, à la fois personnelle et universelle, part d’une épiphanie : celle de Benoît Bringer, journaliste d’investigation (Prix Pulitzer avec l’équipe des « Panama Papers »), qui, à la naissance de son fils, s’inquiète pour son futur et surtout celui de son assiette. Un autre mode de consommation de la viande, viable, est-il encore possible ? Pour répondre à cette question, Benoît Bringer, à la manière de Cyril Dion et de Mélanie Laurent dans le film Demain (2015), a parcouru pendant six mois le monde, à la rencontre d’hommes et de femmes qui pratiquent une agriculture plus respectueuse des bêtes et de la nature.

Vertigineux et éloquents

Du Midwest américain à la Suède, en passant par la Corse, le film présente différentes alternatives aux méthodes industrielles conventionnelles. Dans les plaines portugaises, les champs arides, rendus infertiles par l’agriculture intensive, font face aux étendues boisées d’Alfredo Cunhal. Ce fermier a adopté l’agroforesterie, une « coopération avec la nature » associant animaux, arbres et maraîchage. L’agroforesterie avec les circuits courts ou encore les abattoirs mobiles sont autant de techniques qui redéfinissent les contours de l’élevage.

La démarche de M. Bringer n’est pas sans rappeler celle de Jonathan Safran Foer dans Faut-il manger les animaux ? (éd. de L’Olivier, 2011). Mais son film ne joue pas sur les images-chocs, à la manière des vidéos de l’association de protection animale L214. Pas besoin de sensationnalisme, les chiffres, vertigineux, sont éloquents. Cinq milliards de poussins mâles sont tués chaque année dans le monde. En France, 80 % des poulets ne voient pas la lumière du jour. Pour une barquette de 500 grammes de crevettes en supermarché, 12 kg d’animaux marins ont été tués.

« Faut-il arrêter de manger les animaux ? », de Benoît Bringer. / PREMIÈRES LIGNES

En contrepoint de ces constats alarmants, le documentaire de Benoît Bringer se veut bienveillant et optimiste. Pour les acteurs de ce changement, une autre agriculture est possible. Et c’est d’abord au citoyen d’user de son pouvoir de consommateur pour changer la donne. Autrement dit, manger de la viande de meilleure qualité – certes plus chère –, mais à une fréquence réduite.

Malgré une introduction quelque peu sentimentale, Benoît Bringer livre une enquête passionnante et finement réalisée, sans jamais céder au militantisme ou à la caricature. Ni idéaliste ni moralisateur, Faut-il arrêter de manger les animaux ? ne prétend pas apporter de remède miracle, mais une partie de la solution, et c’est déjà pas mal. Les alternatives proposées, bien qu’imparfaites et encore peu nombreuses, ont au moins le mérite d’exister, et leurs artisans espèrent en faire la norme de demain.

Faut-il arrêter de manger les animaux ?, de Benoît Bringer (France, 2018, 65 min).