Combats dans la région d’Afrin (Syrie), le 19 février 2018. / OMAR HAJ KADOUR / AFP

Casse-tête diplomatique et militaire, la bataille d’Afrin, enclave kurde visée par la Turquie depuis le 20 janvier, pourrait tourner au désastre humanitaire. Dans un rapport, publié mercredi 28 février, Amnesty International dénonce l’impact sur les populations des combats entre l’armée turque, ses supplétifs syriens et les combattants kurdes. « A Afrin, les combats qui opposent les forces turques aux forces kurdes (…) ont déjà causé la mort de nombreux civils et mettent en péril la vie de centaines d’autres », a indiqué l’organisation de défense des droits de l’homme.

A la suite de l’opération « Rameau d’olivier », lancée par Ankara, les habitants des villages proches des frontières turques, mais loin de toute installation militaire, ont subi des tirs d’artillerie indiscriminés, certains se traduisant, d’après Amnesty, par des pertes civiles. Plusieurs cas ont été documentés par l’ONG.

« La frappe a complètement détruit la maison, tuant le père, la mère et trois enfants âgés de moins de 15 ans, tandis qu’un quatrième – une fille – est resté sous les décombres pendant plusieurs heures. Elle a survécu, mais son état est critique… », a rapporté à Amnesty International un habitant de la localité de Maabatli, témoin de la destruction de la maison de ses voisins par un obus turc, le 25 janvier, cinq jours après le début de l’offensive.

Ankara considère que son offensive à Afrin n’est pas concernée par la résolution du Conseil de sécurité demandant un cessez-le-feu humanitaire de trente jours sur l’ensemble de la Syrie

La riposte des forces kurdes sous la forme de tirs de missiles et d’artillerie vers la ville voisine d’Azaz, contrôlée par les forces turques et leurs alliés syriens, s’est aussi traduite par des morts civiles. Pour Amnesty International, cependant, les attaques indiscriminées les plus meurtrières pour les populations sont imputables à l’armée turque.

Le 23 février, un rapport de Human Rights Watch documentait également la mort de vingt-six civils dans trois attaques menées au début de l’offensive par les forces turques dans l’enclave d’Afrin. Les victimes ont perdu la vie dans des tirs d’artillerie et, dans deux cas, dans des frappes aériennes. Le Croissant-Rouge kurde, une organisation humanitaire intimement liée aux autorités d’Afrin et au mouvement kurde, affirme avoir dénombré près de 93 morts civils et 313 blessés depuis le début de l’opération turque sur l’enclave, un chiffre cité par Amnesty International.

Ankara considère que son offensive à Afrin n’est pas concernée par la résolution du Conseil de sécurité, qui demandait, samedi 24 février, un cessez-le-feu humanitaire de trente jours sur l’ensemble de la Syrie. Dimanche, les forces spéciales de la gendarmerie et de la police turque ont été déployées vers Afrin en prévision de combats dans des zones urbaines, plus densément peuplées et laissant planer la menace de combats plus meurtriers pour les civils.

En 2015 et 2016, ces mêmes forces ont servi de fer de lance aux opérations contre-insurectionnelles menées par Ankara dans les villes kurdes du sud-est de la Turquie, qui s’étaient alors traduites par des destructions d’une ampleur sans précédent.