« Au revoir là-haut », d’Albert Dupontel, « Le Sens de la fête », d’Olivier Nakache et Eric Toledano ;  « 120 battements par minute », de Robin Campillo. / « LE MONDE »

C’est la grand-messe du septième art français. La 43e cérémonie des Césars se tient vendredi 2 mars à 21 heures à la salle Pleyel, à Paris. Elle sera dédiée à Jeanne Moreau (morte en juillet 2017), animée par l’acteur Manu Payet et présidée par l’actrice et chanteuse Vanessa Paradis.

Quatre films partent favoris vu leur nombre impressionnant de nominations : 120 battements par minute, drame sociétal et romanesque de Robin Campillo sur les années sida ; Au revoir là-haut, farce anarcho-historique d’Albert Dupontel sur fond de Grande Guerre ; Le Sens de la fête, comédie melting-pot d’Olivier Nakache et Eric Toledano ; mais aussi Barbara, de Mathieu Amalric. Les deux premiers se distinguent ainsi par treize nominations chacun, égalant ainsi le record de Un prophète, de Jacques Audiard, en 2010, et de Camille redouble, de Noémie Lvovsky, en 2013. Au cas où vous les auriez manqués lors de leur sortie en salles, voici un petit tour d’horizon.

  • « 120 battements par minute », de Robin Campillo

Cannes 2017 : « 120 battements par minute » de Robin Campillo, une fresque amoureuse et politique
Durée : 03:18

120 battements par minute, grande fresque réalisée par Robin Campillo sur les années sida en France à travers le combat de l’association Act Up, comptabilise 13 nominations, en particulier dans les catégories meilleur film, meilleure réalisation et meilleur scénario original. Ses acteurs ont aussi été distingués par l’Académie des Césars pour le meilleur espoir masculin (l’Argentin Nahuel Pérez Biscayart et Arnaud Valois), le meilleur acteur dans un second rôle (Antoine Reinartz), la meilleure actrice dans un second rôle (Adèle Haenel), mais n’apparaissent pas dans les prestigieuses catégories du meilleur acteur et de la meilleure actrice.

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Robin Campillo aura attendu plus de vingt ans pour filmer le début de la lutte contre le sida, à travers le combat de l’association Act Up dont il fut membre. Le réalisateur de 55 ans fait le pari du collectif et livre un grand film politique. De la mort, il est bien évidemment question dans le film, mais c’est surtout le combat contre l’indifférence, les laboratoires et la maladie qui passe au premier plan.

De l’aventure Act Up, le réalisateur a voulu restituer les opérations spectaculaires à coups de jets de poches de faux sang, les débats tendus pour décider des actions à mener, des positions à adopter et des avancées médicales… Il s’est d’ailleurs adjoint les services de Philippe Mangeot, président d’Act Up de 1997 à 1999, pour écrire le scénario.

Mais le réalisateur montre aussi le sexe, l’amour, les gay prides et les soirées exutoires au son de la house, dont le tempo caractéristique donne son titre au film. En plus de deux heures, 120 battements par minute montre un activisme d’avant les réseaux sociaux, mais ne verse ni dans la nostalgie, ni dans le documentaire, probablement car il fait la part belle à l’histoire d’amour entre Sean, séropositif, et Nathan, qui ne l’est pas.

  • « Au-revoir là-haut », d’Albert Dupontel

Avec 13 nominations également, Au revoir là-haut, d’Albert Dupontel, fait jeu égal avec 120 battements par minutes. L’adaptation du roman de Pierre Lemaitre, prix Goncourt 2013, est notamment en lice pour le meilleur film, le meilleur acteur (Albert Dupontel) et la meilleure réalisation.

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Le film est un exercice de style ambitieux dans le ­Paris des années 1920. Deux amis, qui se sont sauvés mutuellement la vie dans les tranchées, sortent laminés de la boucherie qu’a été la première guerre mondiale. Albert (Albert Dupontel), outre ses illusions, a perdu son métier et sa femme. A Edouard (Nahuel Pérez Biscayart), tempérament d’artiste qui se fabrique des masques magnifiques, il manque le bas du visage. Autant dire que ça ne va pas fort. Le premier végète en faisant l’homme-sandwich. Le second ne veut plus entendre parler de sa famille – son père, Marcel Péricourt (Niels Arestrup), est un industriel impitoyable – et songe à en finir.

L’amitié va les sauver. Les deux hommes remontent la pen­te, songeant d’une part à retrouver un jour le lieutenant Pradelle (Laurent Lafitte), sombre ­sadique qui les a envoyés au casse-pipe après l’armistice, d’autre part à tirer revanche de l’Etat-Moloch et des ploutocrates qui le servent.

  • « Le Sens de la fête », d’Olivier Nakache et Eric Toledano

La comédie d’Olivier Nakache et Eric Toledano suit les deux grands favoris avec dix nominations. Le film, qui a rassemblé 3 millions de spectateurs en France en 2017, pourrait remporter le César du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur acteur (Jean-Pierre Bacri), du meilleur acteur dans un second rôle (Gilles Lellouche ou Vincent Macaigne) ou encore du meilleur espoir féminin (Eye Haïdara). En 2012, le duo avait été nommé dix fois pour son film phénomène Intouchables, mais seul Omar Sy était finalement reparti avec une récompense, celle du meilleur acteur.

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Entre les murs d’une demeure aristocratique des environs de Paris, Max (Jean-Pierre Bacri), organisateur de festivités nuptiales, doit donner à ses clients, un fat et une évaporée, l’illusion que cette journée est la plus belle de leur vie. Les mariés sont incarnés par Benjamin Lavernhe, de la Comédie-Française, et Judith Chemla, qui passa aussi par cette illustre maison. Hélène Vincent, qui joue la mère du marié, bourgeoise à la libido incontrôlable, est aussi une grande comédienne de théâtre.

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Face à ces gens de bien est réunie une troupe disparate et pourtant parfaitement homogène. On y trouve aussi bien une figure du théâtre contemporain (Vincent Macaigne) que des enfants de la génération Canal+ (Jean-Paul Rouve) ou un pilier du cinéma de distraction, Gilles Lellouche.

  • « Barbara », de Mathieu Amalric

Cannes 2017 : un portrait impressionniste de Barbara
Durée : 03:17

Déjà lauréat des prix Jean-Vigo et Louis-Delluc en 2017, le biopic ensorcelant de Mathieu Amalric sur la chanteuse Barbara, jouée par Jeanne Balibar, a aussi retenu l’attention des votants avec neuf nominations, en particulier pour le meilleur film, la meilleure actrice et la meilleure réalisation.

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Le premier plan de Barbara montre le reflet d’un visage de femme sur le couvercle d’un piano. Un peu flou mais immédiatement reconnaissable. Ce jeu d’images ouvre les portes d’un palais des miroirs que Mathieu Amalric et Jeanne Balibar ont construit autour de la figure de la chanteuse, morte en 1997. Le réalisateur et l’interprète font mine de se perdre entre la fiction d’une biographie filmée et la réalité ­du tournage de celle-ci, alors qu’en réalité, ils conduisent d’une main très sûre le spectateur à travers la vie et l’art de la « dame en noir ».