La menace, jeudi 1er mars, du président américain, Donald Trump, d’imposer dès la semaine prochaine de fortes taxes sur les importations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis a suscité des réactions indignées dans le monde, laissant poindre le risque d’une guerre commerciale.

Le président américain a annoncé jeudi que les Etats-Unis imposeraient la semaine prochaine des droits de douane de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur les importations d’aluminium afin de défendre une industrie sidérurgique américaine « décimée par des décennies de commerce inéquitable ».

  • Union européenne : « Nous ne resterons pas les bras croisés »

« Nous regrettons fortement » cette décision américaine, a réagi Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. « Au lieu d’apporter une solution, cette décision ne peut qu’aggraver les choses, a-t-il prévenu dans un communiqué. Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que notre industrie est frappée par des mesures injustes. »

« L’UE entamera le plus tôt possible des consultations sur le règlement des différends avec les Etats-Unis à Genève », siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a ajouté, dans le même communiqué, la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström.

En Allemagne, l’association de la sidérurgie Stahl a dénoncé « des mesures qui violent les règles de l’OMC », exigeant l’intervention de l’UE. « Si l’Europe n’agit pas, notre sidérurgie va payer l’addition pour le protectionnisme américain », a encore prévenu, par communiqué son président, Hans Jürgen Kerkhoff.

L’ambassade britannique à Washington, tout en assurant être en discussion avec les Américains, a réagi dans un communiqué : « Nous avons été clairs sur le fait que nous sommes particulièrement inquiets de toute mesure qui pourrait avoir des conséquences sur l’acier du Royaume-Uni et ses industries d’aluminium. »

  • Canada : « Tout tarif imposé serait inacceptable »

« Tout tarif ou quota qui serait imposé à notre industrie canadienne de l’acier et de l’aluminium serait inacceptable », a déclaré jeudi le ministre canadien du commerce international, François-Philippe Champagne. Le Canada est le premier fournisseur d’acier et d’aluminium des Etats-Unis, et le gouvernement n’a pas manqué de souligner que cette décision risque finalement de jouer contre les industriels américains.

De son côté, le syndicat nord-américain des sidérurgistes United Steelworkers, principalement actif aux Etats-Unis et au Canada, exige que les producteurs d’acier et d’aluminium canadiens soient exclus des mesures annoncées par Donald Trump. « Clairement, le Canada n’est pas l’un de ces “mauvais acteurs” impliqués dans le commerce injuste et le dumping de l’aluminium et de l’acier vers les Etats-Unis », précise le syndicat.

  • Australie : « Je crains que nous ne constations des mesures de représailles »

Le projet de Donald Trump entraînera des distorsions du commerce mondial et des pertes d’emploi, a déclaré vendredi 2 mars le ministre australien du commerce. « L’imposition de droits de douane comme ceux-là ne fera rien d’autre que fausser le commerce et, in fine, pensons-nous, conduira à une perte d’emplois », a déclaré à la presse Steven Ciobo, qui a indiqué craindre « des mesures de représailles mises en place par d’autres grandes économies ».

L’Australie, qui souhaite promouvoir le Partenariat transpacifique dont M. Trump s’est désengagé, a demandé que son acier et son aluminium vendus aux Etats-Unis soient exemptés des mesures annoncées par le président américain.

  • L’Asie dubitative

Le chef de la Maison blanche a promis de sanctionner ce qu’il considère comme des pratiques commerciales déloyales, notamment de la part de la Chine – bien que le pays ne représente que 2 % des importations américaines d’acier, son expansion industrielle massive a contribué à une production d’acier surabondante au niveau mondial, qui a fait reculer les prix. « Les conséquences pour la Chine ne sont pas très importantes », a déclaré Li Xinchuang, vice-secrétaire général de l’Association chinoise du fer et de l’acier.

La Corée du Sud, troisième exportateur d’acier vers les Etats-Unis derrière le Canada et le Brésil, a annoncé qu’elle allait poursuivre le dialogue avec les responsables américains jusqu’à la finalisation des projets de Washington. « Pour nous, le scénario le pire était un droit de douane de 54 %, a déclaré un responsable du ministère sud-coréen du commerce sous le sceau de l’anonymat. Si l’option d’un droit de douane global d’au moins 24 % est retenue, cela affectera quand même nos exportations d’acier vers les Etats-Unis. »

En Thaïlande, qui exporte son acier principalement dans les autres pays d’Asie, le président de la section sidérurgie de la Fédération des industries thaïlandaises, Vikrom Wacharakrup, s’est dit préoccupé par la réaction des autres exportateurs mondiaux et par ce qui se passera en ce qui concerne l’acier qui ne pourra être vendu aux Etats-Unis.

Le ministre japonais de l’industrie et du commerce, Hiroshige Seko, a dit, pour sa part, continuer à rechercher une « clarification » de la part des Etats-Unis. « Je ne pense pas que les exportations d’acier et d’aluminium du Japon, qui est un allié des Etats-Unis, portent atteinte d’une façon ou d’une autre à la sécurité nationale des Etats-Unis, et nous voudrions expliquer cela aux Etats-Unis », a-t-il dit.