Documentaire sur Arte à 23 h 25

La chanteuse Marianne Faithfull en juin 2014. / ERIC GUILLEMAIN

Plus qu’une poupée de cire ou de son, Marianne Faithfull avait l’air, en sa jeunesse et à ses débuts de chanteuse, dans le Londres du milieu des années 1960, d’une poupée de porcelaine au teint pâle et aux yeux ronds. Et comme beaucoup d’égéries de cette époque, elle chantait passablement faux. D’ailleurs, quand la jeune Britannique, qui n’avait pas encore 18 ans, fut découverte par Andrew Loog Oldham, le manageur des Rolling Stones, c’est avant tout parce qu’elle avait ce physique intéressant et particulier.

La voix, alors claire et haute, a changé de tessiture au fil des ans, tirée vers les graves et les brumes en raison d’un goût immodéré pour la cigarette – pour ne citer qu’une des addictions de Faithfull. Elle fume toujours, d’ail­leurs, en répondant à Sandrine Bonnaire, qui signe cet attachant portrait, ou même alors qu’elle répète avec ses musiciens.

Aura singulière

Mais le charme vénéneux, voire toxique, de celle qui fut aussi une actrice de cinéma et de théâtre tient moins à ses qualités vocales qu’à cette aura singulière, faite de lassitude, de mutisme et de phrases volontiers énigmatiques, comme celles qu’on prononce dans les films d’Antonioni : « J’ai 20 ans, je suis très fatiguée… », l’entend-on dire dans un document d’archives en noir et blanc.

Faithfull avait tout pour être une jeune femme rangée, ou dérangée, c’est selon : son père est professeur d’université et… espion ; sa mère, aristocrate autrichienne, est la petite-nièce de Leopold von Sacher-Masoch. Faithfull se dit aujourd’hui « très fière » de ses parents, qui la laissèrent quitter le pensionnat catholique pour entamer sa carrière artistique.

Anorexique et sans le sou

Elle devient la compagne de Mick Jagger alors qu’elle est déjà mère d’un petit garçon. Elle touche aux drogues, avec lui – elle précise d’ailleurs qu’il était celui qui en prenait le moins… –, mais surtout avec l’actrice Anita Pallenberg, alors compagne de Keith Richards, le compositeur et guitariste des Rolling Stones.

Elle cesse de se produire et de faire des disques pendant le temps de leur relation : « Il m’était impossible de le faire à son côté. Sa présence était trop forte, c’était trop pour moi… » Après sa séparation d’avec Mick Jagger, la drogue l’accaparera plus encore : à la suite de sa lecture du Festin nu (1959), de William Burroughs, elle décide de prendre le texte au pied de la lettre. Elle vivra, anorexique et sans le sou, dans la rue, pendant deux ans, se shootant à l’héroïne.

Extraordinaire incandescence

Sandrine Bonnaire insiste beaucoup pour que Marianne Faithfull aille plus loin dans cette zone sombre de ses souvenirs. Ce à quoi elle oppose une résistance polie, mais ferme. Depuis qu’elle « a choisi de vivre plutôt que de continuer la drogue, donc de ­mourir », la chanteuse, qui ne ­renie pourtant rien, préfère passer à autre chose. Elle s’en tire d’ailleurs avec une plaisanterie : « Des années après, je suis devenue très amie avec William Burroughs, à qui j’ai dit que j’avais fait dans ma vie ce qu’il avait écrit dans son livre. Mais il m’a dit : “Mais c’est avant tout de la fiction !”»

Les entretiens avec Marianne Faithfull sont entrecoupés d’images d’archives de la télévision britannique, d’extraits de ses films et d’une captation de concert récente, où la chanteuse, qui s’aide d’une canne et chante avec cette raucité particulière, garde cette extraordinaire incandescence qui fit et fait sa réputation.

Marianne Faithfull, fleur d’âme, de Sandrine Bonnaire (France, 2016, 62 min).