Pour 44 centièmes, Kevin Mayer est devenu champion du monde de l’heptathlon en salles. / BEN STANSALL / AFP

Décidément, Kevin Mayer aime se faire peur. Aux championnats du monde en plein air l’an dernier, le Français, favori, avait bien failli tout perdre et n’avait dû son salut (et son titre mondial) qu’à un essai à la perche réussi à quelques centimètres près. À Birmingham samedi 3 mars, Mayer a réuni les couronnes mondiales en devenant champion du monde en salle de l’heptathlon, non sans une bonne dose de frayeurs et de doutes : tout s’est joué lors de l’ultime épreuve, le 1 000 mètres.

Mondiaux d’athlétisme : Kevin Mayer a assuré au saut à la perche !
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Engagé dès le début de la série d’épreuves dans un face à face avec le Canadien Damian Warner, le champion du monde en titre a alterné le très bon et le moyen, pour finalement conquérir ce titre en salle avec moins de marge que son statut d’ultra-favori pouvait laisser espérer. À mi-parcours, Mayer était en tête, grâce à deux nouveaux records personnels sur le 60 mètres (6’85) et à la longueur (7,55 m). Mais le format de l’heptathlon en salle, qui se prive des lancers de javelot et de disque, pénalise le Français, plus puissant que son homologue canadien. Sur la piste, Warner a logiquement dominé Mayer sur le 60 mètres haies, revenant à quatre petits points de lui avant ce qui devait être le juge de paix : le saut à la perche.

Doutes et fatigue

Détenteur depuis cet hiver d’un record personnel à 5,60 m, Mayer est un phénomène de la perche. Une telle marque lui permettrait de montrer sur le podium du championnat de France de la spécialité. Il détenait évidemment le record des engagés, alors que Warner n’avait jamais sauté au-delà des cinq mètres. Mais la combinaison de la pression et d’un genou endolori depuis la veille a déréglé la machine Mayer, qui n’a pu faire mieux qu’un saut à cinq mètres, tandis que son adversaire direct battait son record personnel à 4,90 m.

Kevin Mayer s’est fait peur, mais il est devenu champion du monde en salle d’heptathlon. / Matt Dunham / AP

Un rapide passage sur la table des coefficients des épreuves combinées livrait son verdict : avec 34 points d’écart seulement, soit trois secondes sur la piste, tout allait se jouer sur le 1 000 mètres du soir, dernière discipline de l’heptathlon. « Fatigué mentalement et physiquement », le Français a même glissé qu’il n’était pas sûr de prendre le départ de l’ultime course.

44 centièmes de seconde

Finalement présent au départ, Kevin Mayer a tenu le choc, pour cinq petits points seulement. Parti très rapidement, Damian Warner a tout tenté, battant son record personnel sur la distance. À l’arrivée, le Français s’est effondré sur la ligne, épuisé mentalement et physiquement après ces sept épreuves traversées difficilement. Avec 6 348 points, Kevin Mayer est champion du monde en salle, pour 44 centièmes de seconde, sur une course d’un kilomètre à l’issue de deux jours de duel avec Damian Warner.

Comme à Londres en plein air, le vice-champion olympique a montré qu’il était capable de résister à la pression, lui qui déclare souvent en avoir besoin mais la subit de façon très forte à chaque épreuve. Avec ces deux titres de champion du monde depuis le départ du roi de la discipline Ashton Eaton, Mayer s’est imposé comme le nouveau patron des épreuves combinées. Seul athlète français à être médaillé olympique et champion du monde en individuel, il est aussi, à vingt-six ans, le porte-drapeau de l’athlétisme français, prêt à prendre la relève d’un Renaud Lavillenie de cinq ans son aîné.