Affiches électorales à Rome, le 16 février. / ALBERTO PIZZOLI / AFP

Les Italiens votent, dimanche 4 mars, pour renouveler la Chambre des députés et le Sénat. Trois « camps » s’affrontent. D’un côté, la droite et l’extrême droite, avec Forza Italia, le parti de l’ancien président du Conseil Silvio Berlusconi, la Ligue du Nord, dirigée par Matteo Salvini, et Fratelli d’Italia (« Frères d’Italie », postfascistes), de Giorgia Meloni.

De l’autre, la gauche, dont le principal parti est le Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi, auquel appartient l’actuel chef du gouvernement, Paolo Gentiloni.

Le troisième camp est celui du Mouvement 5 étoiles (M5S, Movimento 5 Stelle) fondé par le comédien et humoriste Beppe Grillo, parti populiste qui rejette tout accord de coalition avec les autres partis et qui est dirigé par Luigi di Maio.

Ce scrutin, qui s’annonce indécis — selon les sondages, aucun des partis n’est en mesure d’obtenir la majorité absolue — se déroulera selon de nouvelles règles. La loi électorale a en effet été modifiée à la fin de 2017. Que dit-elle ? Quelles conséquences peut-elle avoir ? Petit tour d’horizon.

  • Quand et pourquoi la loi électorale a-t-elle été modifiée ?

A l’issue des précédentes élections parlementaires des 24 et 25 février 2013, aucune des deux principales coalitions, celle de gauche dirigée par Pier Luigi Bersani, et celle de droite de Silvio Berlusconi, n’avait obtenu la majorité absolue des sièges à la Chambre des députés et au Sénat.

A cette instabilité s’est ajouté le succès électoral du M5S, dont la percée a profondément bouleversé la politique en Italie, jusqu’alors dominée par le bipartisme.

Le 28 avril 2013, le président de la République, Giorgio Napolitano, avait nommé Enrico Letta (PD) à la présidence du Conseil, à la tête d’un gouvernement d’union nationale. Mais celui-ci avait été renversé par une motion de censure interne au Parti démocrate et remplacé, le 22 février 2014, par Matteo Renzi.

C’est ce dernier qui a souhaité faire voter une nouvelle loi électorale. Avec un objectif : lutter contre la paralysie politique du pays.

Le projet de loi présenté par M. Renzi visait, notamment, à diminuer les pouvoirs du Sénat. Mais ce projet a été massivement rejeté pard les Italiens (à 59,11 %), le 4 décembre 2016. Et, le 12 décembre de la même année, Matteo Renzi a été remplacé à la tête du gouvernement par son ministre des affaires étrangères, Paolo Gentiloni (PD).

Une nouvelle loi électorale a finalement été promulguée le 3 novembre 2017.

  • Quelles sont les nouvelles règles mises en place ?

Avec ce nouveau cadre électoral, appelé « Rosatellum bis », du nom de l’homme qui a porté cette réforme, Ettore Rosato, les élections se déroulent en un seul tour de scrutin et utilisent un système mixte : certains sièges sont alloués au scrutin uninominal majoritaire à un tour et une majorité l’est au scrutin proportionnel.

Si les Italiens de 18 ans et plus peuvent désigner leurs députés, seuls ceux âgés de 25 ans et plus sont autorisés à élire les membres du Sénat.

Pour la Chambre des députés (Camera dei Deputati), qui compte 630 membres élus pour cinq ans, la mise en place du nouveau système se traduit ainsi :

  • 232 députés (soit 37 %) sont désignés au scrutin uninominal
  • 386 (61 %) sont choisis au scrutin proportionnel
  • 12 (2 %) sonts élus par les Italiens de l’étranger.

Le schéma est quasi le même au Sénat (Senato della Repubblica), qui compte 315 membres élus pour cinq ans :

  • 116 sénateurs sont choisis au scrutin uninominal
  • 193 sont désignés au niveau régional au scrutin proportionnel
  • 6 sont élus par les Italiens de l’étranger

Le seuil minimal pour entrer au Parlement est fixé à 3 % des suffrages exprimés pour les partis et à 10 % pour les coalitions.

C’est la formation de ces dernières que souhaite privilégier la nouvelle loi.

  • Quelles conséquences cette loi électorale peut-elle avoir ?

Dans la précédente loi électorale, la loi dite « Italicum », adoptée le 4 mai 2015, si un parti arrivé en tête du premier tour réussissait à rassembler plus de 40 % des voix, alors il recevait automatiquement un minimum de 340 sièges, ce qui représente 54 % des sièges au palais Montecitorio, la Chambre des députés.

Ce n’est plus le cas avec la loi « Rosatellum ». Celle-ci « tend à favoriser la constitution de coalitions, fussent-elles fort hétérogènes », explique Marc Lazar, spécialiste de la vie politique italienne et professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po, dans une étude pour Terra Nova intitulée « L’Italie à l’épreuve des élections ».

Ces nouvelles règles devraient, a priori, « avantager les partis du centre droit bien implantés dans le nord du pays, favoriser le Parti démocrate dans la partie centrale du pays, son grand bastion qui tend néanmoins à se lézarder », poursuit Marc Lazar.

Elles devraient, en revanche, compliquer considérablement la tâche au Mouvement 5 étoiles, qui a construit une bonne part de sa popularité sur le refus des accords d’arrière-salle, mais qui, de ce fait, est aujourd’hui isolé, sans allié.

La nouvelle loi est d’ailleurs souvent présentée comme étant dirigée contre ce mouvement. « A priori, le nouveau mode de scrutin pénalise le Mouvement 5 étoiles, qui est fort mais reste seul », confirme Marc Lazar.

Cette nouvelle loi contribuera-t-elle à donner à l’Italie une majorité stable ? Rien n’est moins sûr. « Davantage proportionnelle que majoritaire, [elle] ne garantit en rien la constitution d’une majorité post-électorale stable », souligne la Fondation Robert-Schuman, centre de recherches et d’études sur l’Europe, dans une analyse parue au début de février.

C’est aussi l’avis de Marc Lazar : « A la date d’aujourd’hui, il semble improbable qu’une majorité claire se dégage à la Chambre des députés et au Sénat, même si le centre droit semble porté par une dynamique électorale qui pourrait peut-être lui permettre de l’emporter. »

« L’Italie demeure divisée en deux blocs, l’un de droite et l’autre de gauche, qui ne parviennent pas à avoir une majorité claire forte et stable, souligne, à ce propos, Raffaele Landani, professeur de science politique à l’université de Bologne, cité par la Fondation Schuman. Le 4 mars, on risque de voir se répéter le scénario que nous avons connu ces vingt-cinq dernières années, marquées par une alternance entre gouvernements populistes et gouvernements techniques. »