C’est le scénario que le Parti socialiste voulait à tout prix éviter pour son 78e congrès des 7 et 8 avril. Olivier Faure et Luc Carvounas, tous deux candidats au poste de premier secrétaire, ont dénoncé un système de fausses cartes d’adhérents dans la fédération des Bouches-du-Rhône. Et font savoir qu’ils ne laisseront aucune incertitude planer sur le scrutin au sein d’un département dont le poids annoncé – 3 200 votants potentiels – peut s’avérer fondamental quand on sait que le PS espère au moins 30 000 votants.

« La fédération des Bouches-du-Rhône est la dernière à avoir des pratiques industrielles [en matière de fausses cartes], a grondé Olivier Faure, de passage vendredi 2 mars à Marseille. Jusqu’ici, pour les congrès, chaque candidat acceptait de prendre sa part du magot. Cette fois, je ne veux pas de vote truqué. »

A ses côtés, son mandataire local Benoît Payan, président du groupe PS au conseil municipal de Marseille, estime que ces « cartes fantômes pourraient aller jusqu’à 25 % des inscrits », soit près de 800 voix. « Nous demanderons le gel du vote des sections sur lesquelles nous aurons la moindre inquiétude, promet M. Faure. Si on ne repart pas en nettoyant toutes les mauvaises pratiques, nous ne renaîtrons pas. »

Bizarreries relevées dans les listes

Jeudi, Luc Carvounas s’est lui aussi inquiété. Il a promis « de saisir la Haute Autorité du PS ». « Comment, alors que nous perdons 30 % à 50 % de nos adhérents partout en France, certaines sections dans ce département restent stables, voire progressent ? », interroge son mandataire Yannick Ohanessian, membre du conseil fédéral.

Dans le viseur de MM. Faure et Carvounas, des sections du nord et de l’est de Marseille, mais aussi de Berre-l’Etang. « Dans cette ville, on compte 235 adhérents, alors qu’aux dernières législatives, le candidat socialiste n’a fait que 55 voix », s’étonne M. Payan, qui assure avoir demandé à la commission fédérale d’organisation du congrès des explications à propos de bizarreries relevées dans les listes.

« Pourquoi des adhérents sont-ils tous nés le 1er janvier, ont tous la même adresse mail… Et n’ont laissé aucune trace du règlement de leur cotisation ? », ironise-t-il. 

« Il n’y a aucune fausse carte à la fédération des Bouches-du-Rhône », se contente de faire savoir le PS 13 par la voix de son secrétaire général Michaël Bruel. Sollicité, Loïc Gachon, maire de Vitrolles et dirigeant de la fédération jusqu’au prochain congrès, n’a pas réagi.

Historiquement, les Bouches-du-Rhône sont une sorte de « swing state » dans les congrès socialistes. Leur poids peut décider de la victoire. Jusqu’alors, la fédération du département rejoignait un candidat naturel. Cette fois, le refus d’Olivier Faure de prendre comme mandataire M. Gachon laisse le jeu ouvert.

« Nécessité d’un contrôle »

Les deux autres candidats en lice, Stéphane Le Foll et Emmanuel Maurel, sommés de réagir, prennent les accusations de fraude avec des réserves. « Je trouve un peu bizarre que cela arrive comme ça… Je suis pour le contrôle, mais partout, dans toutes les fédérations », avance M. Le Foll. Qui rappelle que ses mandataires départementales, Marie-Arlette Carlotti et Isabelle Rovarino, « se sont toujours battues pour la transparence », notamment lorsque Jean-Noël Guérini dirigeait le PS local.

Dans le camp d’Emmanuel Maurel, on s’interroge sur d’autres points. « On a eu des doutes et on a demandé, avec les représentants de Stéphane Le Foll, le contrôle de l’ensemble des sections de cette fédération, assure Elodie Schwander, qui siège à la commission d’organisation du congrès pour le compte du candidat de l’aile gauche. Les représentants de MM. Faure et Carvounas s’y sont opposés. » « Si tout le monde est d’accord avec nous sur la nécessité d’un contrôle, tant mieux », rétorque Benoît Payan.

Ce début de polémique est relativisé du côté de la Rue de Solférino. « Si des décisions sont à prendre, nous les prendrons », promet Rachid Temal, coordinateur du PS, qui rappelle que « le bureau fédéral et le bureau national des adhésions ont été saisis et vont vérifier ce qu’il se passe dans les Bouches-du-Rhône ».

Le PS assure mettre cette année tout en œuvre pour tendre vers le plus de transparence possible. Les 15 et 29 mars, jours des votes sur les textes d’orientation puis pour le poste de premier secrétaire, un logiciel auquel auront accès la direction et les candidats permettra de suivre les remontées des résultats en temps réel.