La « voiture télécommandée » est l’activité la plus simple que propose Nintendo Labo. / Nintendo

Ceux qui pensent encore que le jeu vidéo est un sujet léger devraient un jour assister à la présentation d’un jeu à la presse. Cadres en cravate, créateurs « média trainés », cafés serrés et journalistes trentenaires très sérieux s’y retrouvent dans des lieux un peu tristes, s’abîment sur de gros écrans un peu sinistres.

Et puis, il y a la présentation de Nintendo Labo, la nouvelle gamme de jeux pour la console Switch, dont les deux premières itérations, le Multi-Kit et le Robot Kit, sortent le 27 avril en France.

Ici, les cravates se font rares, le jus d’orange remplace le café, et, si les trentenaires sont nombreux, ils doivent jouer des coudes avec des garnements de 7 ou 8 ans. Tout ce beau monde est en outre assis autour de tables rondes et basses, celles-là mêmes qui équipaient, si notre mémoire ne nous joue pas de tour, la classe de grande section maternelle de l’école de Pordic, dans les Côtes-d’Armor.

Pour autant, les choses ici restent sérieuses ; ou du moins appliquées. On coupe des rubans colorés avec des ciseaux à bouts ronds, on dessine en tirant la langue, et surtout, on détache des formes dans des feuilles de carton. Beaucoup de carton. C’est tout le principe des kits Nintendo Labo : ce sont des jeux pour la Switch, la dernière console de Nintendo, vendus avec des accessoires en carton à découper, plier et monter soi-même.

Les jouets de Nintendo Labo ont, avant montage, un petit look de boîte à pizza. / Nintendo

Nintendo appelle cela des « Toy-con », que l’on prononcera « toïconne », pour éviter de prêter le flanc à la moquerie. Pliés, assemblés, éventuellement coloriés et décorés, ces morceaux de carton tout bêtes vont se transformer en une petite voiture, en une maison pleine de secrets ou en canne à pêche. Sous la supervision d’un adulte ou d’un adolescent, n’importe quel enfant fabrique les éléments les plus complexes en suivant scrupuleusement les instructions qui s’affichent sur l’écran de la Switch.

Mais ce n’est pas fini : la Switch — pour ceux qui l’ignoraient — est une console constituée d’un écran et de deux petites manettes détachables. En les insérant dans les emplacements prévus à cet effet sur ces bouts de carton, la magie se produit. De chaque côté de la voiture, les manettes vont, en vibrant, lui permettre de se déplacer. Insérées à l’arrière du piano, elles vont transformer cet assemblage de carton improbable en instrument étonnamment fonctionnel.

Deux jeux, six activités

Comment ça marche ? C’est le petit secret de Nintendo, à côté duquel on était jusqu’ici passé. Nintendo Labo, ce ne sont pas que des bouts de carton : ce sont aussi de fins rubans réfléchissants à coller en fonction des instructions, et qu’est capable de détecter, avec une grande précision, la caméra de la manette de la Switch.

Avec cela, il devient possible de reproduire des mouvements aussi complexes que celui du moulinet d’une canne à pêche, ou délicat, tel le toucher d’un piano. Le champ de possibles s’ouvre alors, et les aimables accessoires en carton (qui rappelaient jusqu’ici les très inutiles pistolets ou raquettes en plastique que l’on fixait sur la manette de la Wii) ouvrent des possibilités ludiques auxquelles, il faut l’avouer, on ne croyait pas vraiment.

Elles sont au nombre de six.

La voiture téléguidée peut prendre des allures d’éléphant ou d’engin de chantier. / Corentin Lamy / Le Monde

  • Voiture téléguidée

Sans mécanisme ni assemblage compliqué, la voiture téléguidée est le Toy-Con le plus simple, celui qui sert à assimiler le principe. L’idée : les vibrations des deux manettes insérées sur le côté peuvent être actionnées à distance, en se servant de l’écran tactile de la Switch comme d’une télécommande. En faisant vibrer celle de gauche par exemple, le véhicule (que l’on peut personnaliser pour qu’il ressemble à un éléphant ou un engin de chantier) tourne dans la même direction. En vibrant de concert, elles font avancer l’engin.

Il faut actionner assez vite cette canne à pêche pour sortir de l’eau les poissons qui apparaissent à l’écran. / Corentin Lamy / Le Monde

  • Canne à pêche

Le jeu est aussi simple que cette canne à pêche escamotable et son moulinet fonctionnel sont des trésors de l’ingénierie du carton. Sur l’écran de la Switch apparaît un hameçon, qui s’enfonce de plus en plus profondément sous les eaux. Des poissons de plus en plus gros viennent le renifler : arriverez-vous à relever suffisamment rapidement la ligne (tout en l’agitant au moment opportun pour fatiguer l’animal) pour le ramener à la surface ?

Cette petite maison offre un jeu très mignon, bien réalisé et passionnant à explorer. / Nintendo

  • Maison

Elle ne paye pas de mine, la maison, et pourtant ! Véritable boîte à jouets, celle-ci est dotée de trois ouvertures, sur les côtés et en dessous. L’écran de la Switch, lui, fait office de quatrième mur. Dessus s’affiche une adorable petite créature velue, ainsi qu’une pièce pleine de bibelots. Mais la configuration de la pièce change, selon les « outils » en carton que l’on insère dans les trous. Bouton, molette, moulinet : la façon dont ils sont combinés donne accès à nouveaux jeux pour notre bestiole à poil, comme par exemple un parcours d’obstacles ou une épreuve de corde à sauter. Très mignon, bien réalisé, et passionnant à explorer.

Constitué de trois championnats de trois courses chacun, le jeu de moto se pratique seul. / Nintendo

  • Moto

Le guidon est le prétexte pour conduire, en penchant le guidon ou en tournant la manette des gaz, une moto le long de divers circuits évoquant un Mario Kart un peu mou. Constitué de trois championnats de trois courses chacun, le jeu se pratique seul, mais il est possible d’enregistrer ses meilleurs scores pour mettre ses amis au défi.

Le piano est étonnamment fonctionnel. / Corentin Lamy / Le Monde

  • Piano

Cinquième et dernier jeu du Multi-kit, le piano est l’un des plus bluffants techniquement, tant il apparaît surréaliste de jouer la sonate Clair de lune de Ludwig van Beethoven (ou, selon ses capacités, Au clair de la lune) avec des touches en carton. Il est également possible d’y insérer des partitions en carton (que nous n’avons pu tester) ainsi que des sortes de « clés » qui en modifient le son, pour faire chanter, au hasard, un orchestre de chats ou de vieux messieurs.

Nintendo Labo - Toy-Con 02 : kit Robot
Durée : 03:42

  • Robot

Attention : le Robot Kit est vendu séparément. Contrairement aux autres activités, plus proches du jouet interactif, le robot est un accessoire que l’on utilise pour s’essayer à un « vrai » jeu vidéo, projeté sur la télé du salon. Une sorte de sac à dos de carton à assembler soi-même, rempli de poulies (en carton), de poids (en carton) et de fils (pas du tout en carton), et qui offre d’incarner, dans le jeu, une sorte de robot de la hauteur d’un building, s’attaquant à une ville pleine de méchants. Des sensations proches de la réalité virtuelle, mais une réalité virtuelle réimaginée par Michel Gondry.

Un jouet pour parents geeks

Ca, c’est la base. Mais Nintendo le promet, ces différents « jouets » permettent moult variations. Pour ne citer que la plus simple, il est par exemple possible, en se servant des autocollants réfléchissants fournis, de dessiner un parcours d’obstacles pour la voiture, et d’y défier un ami à la course. D’autres préféreront se lancer dans un duel façon sumo en dessinant une arène au sol, ou se servir de la caméra infrarouge du véhicule pour jouer à cacher puis dénicher un objet dans le noir.

Il n’est pas exagéré de dire que les possibilités, déjà nombreuses, sont même virtuellement infinies : chaque jeu embarque en effet une fonction « programmation ». Terminés les bricolages façon école maternelle : là, en assemblant des cases comportant chacune un ordre simple (« toucher », « vibrer », etc.), il est possible de bidouiller les jouets. Rien n’interdit d’ailleurs de découper ses propres cartons, pour en fabriquer de nouveaux.

Difficile de croire que le contenu du sac à dos du Robot Kit est tout en carton. / Nintendo

Cette dernière dimension, la plus créative, est néanmoins à réserver aux plus grands, voire, soyons réalistes, aux adultes. Ceux-ci se dépêcheront d’ailleurs sans doute de reproduire les schémas les plus saugrenus qu’ils auront dénichés sur Internet. Plus généralement, le public de Nintendo Labo semble être celui-là : non pas les joueurs pointus, ni les ados adeptes du joystick, mais bien celui des parents geeks, désireux de vouloir partager un moment de détente créatif avec leurs enfants.

Une question reste en suspens : combien de temps faudra-t-il à des enfants aussi énergiques que maladroits pour abîmer et rendre inutilisables ces jouets en carton ? Sachant que les deux kits, Multi-Kit et Robot Kit, seront sans doute vendus autour de soixante-dix euros chacun, la réponse à cette question aura bientôt toute son importance.