Dans la nouvelle monoplace 100 % électrique présentée mardi 6 mars au Salon de l’automobile de Genève, l’essentiel n’était pas sur la carrosserie noire lui donnant des allures de Batmobile. Mais en dessous.

La formule E de deuxième génération, dévoilée sous les yeux d’Alejandro Agag, président de la FE, et Jean Todt, président de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), permettra surtout aux pilotes de couvrir un ePrix entier sans avoir à changer de monture à mi-course. Jusqu’à présent, ces courses de quarante-cinq minutes, disputées dans des centres-villes, étaient rythmées par les changements de baquet, illustrant les faiblesses du modèle électrique pour la très haute vitesse.

Une évolution à laquelle personne n’osait croire il y a cinq ans, au moment de la discrète naissance du championnat électrique et de la suprématie incontestée de la F1 sur le sport automobile mondial.

« Cela reste une FE »

L’autonomie a été doublée en quatre ans. Les FE actuelles sont équipées d’une batterie de 28 kWh chacune. Il en faut donc deux pour couvrir quarante-cinq minutes. La saison prochaine, elles accueilleront une batterie de 54 kWh, pour une puissance en course de 200 kW – contre 180 kW actuellement. Le tout pour 20 kg de plus seulement.

On reste toutefois loin des presque 1 000 CV des formules 1 et de leurs pointes de vitesse à plus de 300 km/h. C’est pourquoi Xavier Mestelan Pinon, directeur de DS Performance, le concepteur de ces nouvelles FE, refuse de comparer, « pour l’instant », FE et F1. « Le look change, le bruit change, en vitesse pure la voiture progresse, mais pas de façon spectaculaire. Cela reste une FE. »

Visuellement, la FE 2019 se distingue tout de suite d’une F1 hybride par l’absence d’aileron et la présence d’ailes sur les roues. Seul point commun, le halo, imposé par les normes sécuritaires de la FIA. Elle ne ressemble ni à une voiture de rallye ni à une LMP, les prototypes des 24 Heures du Mans.

A partir du châssis basic et de la batterie commune à toutes les écuries, chaque équipe pourra ensuite jouer sur les couleurs, l’aérodynamisme, mais surtout sur la gestion de l’énergie et des fluides pour faire la différence. La série électrique a enfin trouvé son identité visuelle, un look Batmobile que le patron de la jeune entité sportive de Citroën ne renie pas.

Le halo (système de protection frontale du cockpit) imposé par la FIA pour la saison 2018 en F1, l’est également en FE à partir de la saison 5. / CAP

« Il faut arrêter la comparaison avec la F1 »

L’ancien grand patron de la formule 1, Bernie Ecclestone, rêve ouvertement d’« une nouvelle formule 1 100 % électrique ». « Une F1 du futur », sorte de « super formule E » à laquelle on ajouterait le son des vieilles monoplaces, avant l’hybridation, qui manque aux passionnés. Grâce aux progrès en matière d’autonomie des batteries, cette F1 électrique pourrait rouler tout un Grand Prix sans perte de vitesse. Mais il ne précise pas l’échéance de la prédiction.

La F1 de demain devra-t-elle se conjuguer à l’électrique pour survivre ? Xavier Mestelan Pinon ne le pense pas. Même s’il ne doute pas que la motorisation électrique soit une technologie d’avenir, contrairement au moteur thermique, il sait que le stockage de l’énergie a encore des progrès à faire. « Dans ce domaine, l’hydrogène offre de nouvelles possibilités. Mais il est trop tôt pour dire comment sera la technologie dans vingt ans. » En attendant, l’hybride lui paraît le meilleur choix.

A l’arrière de la FE 2019, un diffuseur remplace l’aileron des séries précédentes. / CAP

Pas de concurrence, donc, « pour l’instant » entre la discipline reine des sports automobiles (hybride) et la dernière née des monoplaces (électrique), mais une cohabitation pragmatique. Les championnats F1 et FE ont tout intérêt à cultiver leur différence.

Les F1 roulent sur circuit, font du bruit, pour un public spécifique qui les apprécie ; les FE sifflent en centre-ville et captent un nouveau public. Xavier Mestelan Pinon pousse auprès des instances internationales pour que la FE joue « la qualité, pas la quantité. Les courses électriques doivent avoir lieu dans les cœurs urbains, sur l’Alexanderplatz à Berlin, par exemple ». Et non autour de l’aéroport, comme c’est le cas aujourd’hui.

« Il faut arrêter la comparaison », insiste Xavier Mestelan Pinon. Au point qu’il préconise de supprimer l’étape monégasque du championnat de FE, qui provoque automatiquement une mise en parallèle. « Nous [FE] devons aller justement là où le sport automobile ne va pas : dans Paris, dans New York, dans Tokyo. Parce que la formule E va au-delà du sport. L’efficience électrique est un vaste chantier qui dépasse l’automobile. »