Le siège de l’opposition SLPP, dans le centre de Bo, en Sierra Leone. / TOMMY TRENCHARD POUR LE MONDE

A moins que le « troisième homme » ne vienne changer la donne, l’élection présidentielle ne devrait pas échapper à l’un des deux partis qui dominent la vie politique du Sierra Leone depuis des décennies. Plus de 3,1 millions d’électeurs sont attendus dans les bureaux de vote mercredi 7 mars, qui ouvrent de 7 heures (8 heures à Paris) à 18 heures (19 heures) dans ce pays d’Afrique de l’Ouest pour des scrutins à la fois présidentiel, législatif et communal. De premiers résultats partiels sont attendus dans les 48 heures et les résultats complets dans un délai maximum de deux semaines.

Des incidents isolés entre partisans du parti au pouvoir et de l’opposition ont été rapportés ces dernières semaines, mais les observateurs ont salué une campagne globalement apaisée, dans un pays qui a connu de 1991 à 2002 une guerre civile qui a fait quelque 120 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés et déplacés.

La Sierra Leone a rendez-vous avec la démocratie

Le président de la Commission électorale nationale (NEC) l’assure : le vote sera « crédible ». « Nous sommes prêts », a expliqué mardi Mohamed Conteh, en précisant que le matériel électoral avait été convoyé dans les délais jusqu’aux bureaux de vote. La question de la corruption, endémique en Sierra Leone, a dominé la campagne, les deux principaux candidats s’accusant de malversations. La Chine est par ailleurs soupçonnée d’avoir pesé sur le résultat final en finançant des projets phares du président sortant Ernest Bai Koroma, dont un nouvel aéroport et une autoroute à péage.

Une variable inconnue

Le Congrès de tout le peuple (APC, au pouvoir) et le Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP, principale formation d’opposition) se sont succédé au pouvoir depuis l’indépendance en 1961. Le président Koroma, qui n’a plus le droit de se présenter après deux mandats de cinq ans, a lui-même choisi comme candidat de son parti (APC), son ministre des affaires étrangères, Samura Kamara. « Je dois préserver ce qu’il a accompli (…) et bâtir dessus », a expliqué lundi à l’Agence France-Presse (AFP) cet héritier.

Le bilan de l’administration sortante est pourtant contrasté. Si elle est parvenue à attirer les investisseurs pour reconstruire le pays dévasté par la guerre civile, l’économie reste dans un état préoccupant après les chocs de l’épidémie d’Ebola en 2014-2016 et de la chute des cours mondiaux des matières premières, et la corruption a continué à prospérer.

Pour incarner l’alternance, le SLPP présente à nouveau Julius Maada Bio, 53 ans, battu en 2012 par M. Koroma. Cet ancien général avait pris le pouvoir en janvier 1996 en évinçant le chef de la junte, le capitaine Valentine Strasser. Trois mois plus tard, il avait rétabli le multipartisme et s’était effacé. Lors d’une ultime réunion électorale, il s’est dit « prêt à une élection pacifique ».

M. Bio risque de perdre des électeurs au profit de l’un des anciens hommes forts du SLPP, Kandeh Yumkella, qui se présente à la tête d’une nouvelle formation, la Grande coalition nationale (NGC). S’il a peu de chances de l’emporter, ce « troisième homme » pourrait jouer, en cas de second tour de la présidentielle dans un mois, le rôle enviable de faiseur de roi. « Les électeurs aspirent au changement véritable », a assuré le porte-parole du NGC, Julius Spencer, en se targuant d’avoir « réussi à attirer des gens de toute religion, toute ethnie et toute région ».

La circulation limitée

Comme dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest, les divisions politiques recoupent le plus souvent les divisions ethniques et géographiques, sauf dans la capitale, plus diversifiée démographiquement, où vit un tiers de la population.

« Il y a une volonté croissante de l’électorat de se déterminer plus selon les programmes que sur une base ethnique », souligne un rapport du centre de recherche sierra-léonais IGR.

Invoquant le risque de violences, le gouvernement a interdit la circulation des véhicules privés le jour du vote, une mesure critiquée par l’opposition comme une tentative de réduire la participation de ses électeurs. Des observateurs de l’Union africaine (UA), de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et du Commonwealth seront déployés lors du scrutin.