La Corée du Nord et la Corée du Sud se sont entendues sur la tenue d’un sommet, fin avril. / KCNA / REUTERS

C’est un signe d’espoir pour la communauté internationale, après les provocations et les craintes d’escalade des tensions : la Corée du Nord et la Corée du Sud se sont entendues sur la tenue d’un sommet, fin avril, entre le dirigeant Kim Jong-un et le président Moon Jae-in. Un effort jugé « positif » par les Etats-Unis.

Pour Antoine Bondaz, chercheur pour la Fondation pour la recherche stratégique, ce sommet marque une étape vers de possibles négociations entre Washington et Pyongyang sur le nucléaire nord-coréen.

Séoul et Pyongyang ont annoncé la tenue du premier sommet présidentiel depuis dix ans. Quel était le contexte des précédentes rencontres inter-Corées ?

Le tout premier sommet présidentiel intercoréen a eu lieu en 2000, le deuxième en 2007, celui d’avril sera donc le troisième. Les trois sommets sont très différents. Le premier, entre le président Kim Dae-jung et le président Kim Jong-il, avait pour objectif de lancer la coopération intercoréenne. On était dix ans après la fin de la guerre froide et il marquait le début de la « coopération » entre les deux Corées.

Le sommet de 2007 intervient alors que la coopération s’est progressivement approfondie sous les mandats de deux présidents sud-coréens, assez libéraux et progressistes [Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun]. L’objectif, à l’époque, est de rendre cette coopération irréversible.

Mais ces démarches visant à renforcer la coopération ont été complètement suspendues lorsque les conservateurs sont arrivés au pouvoir en Corée du Sud, quelques semaines après le sommet. Non seulement les accords ont été suspendus, mais petit à petit, et pendant dix ans, on a aussi assisté à une détérioration progressive des relations intercoréennes.

Quel est l’objectif de ce nouveau sommet ?

Le but, aujourd’hui, est de relancer une coopération entre les deux Etats. Cette rencontre arrive en début de mandat, moins d’un an après l’élection du président sud-coréen, Moon Jae-in : cela lui donnera des marges de manœuvre pour travailler sur ce sujet pendant les prochaines années. C’est très important politiquement. Même si ce qu’il est possible de réaliser, en termes de coopération, est contraint et limité par les sanctions internationales, notamment sur le plan économique.

Ce sommet doit aussi permettre de favoriser la reprise du dialogue entre la Corée du Nord et les Etats-Unis [alliés de la Corée du Sud]. Le dossier nucléaire ne sera en revanche pas au menu du sommet : seuls la Corée du Nord et les Etats-Unis négocient sur ce volet.

La Corée du Nord semble avoir envoyé, ces derniers temps, des gestes d’ouverture. Qu’est-ce qui a changé ?

En réalité, les gestes ont commencé fin novembre 2017. Le premier a eu lieu au lendemain du dernier essai balistique, lorsque le dirigeant Kim Jong-un a annoncé que le pays avait complété ses forces nucléaires nationales. Ce n’est pas une information sur le plan technique, il faut l’interpréter sur le plan politique : cela signifie que Kim Jong-un a rempli son objectif national, ce qui lui donne une légitimité, et cela ouvre la voie à un gel des essais, parce que cela veut dire qu’il n’en a plus besoin.

Le dernier geste a eu lieu le 8 février, lors de la parade militaire nord-coréenne au cours de laquelle des missiles balistiques ont été présentés. Dans son discours, Kim Jong-un n’a fait aucune référence aux questions nucléaires. Ce sont des signaux qui montrent que la Corée du Nord est dans une nouvelle séquence.

C’est de la diplomatie : Pyongyang ne peut pas dire directement qu’il accepte un gel de ses essais ou de son programme nucléaire, sinon il fait une concession unilatérale. Mais il envoie des signaux.

Alors que veut la Corée du Nord aujourd’hui ?

Premièrement, elle en appelle à la fin de la politique « hostile » des Etats-Unis. C’est un terme flou mais qui peut englober potentiellement un arrêt des exercices militaires américains dans la région, un retrait des forces présentes sur le territoire, ou la fin de l’alliance entre la Corée du Sud et les Etats-Unis.

Deuxièmement, la Corée du Nord veut une reconnaissance internationale, si possible de son statut de puissance nucléaire. Troisièmement, et c’est très important pour eux, les Nord-Coréens veulent la levée des sanctions internationales. La légitimité de Kim Jong-un repose sur le développement des capacités nucléaires du pays et sur le développement économique. Or le développement du programme nucléaire rend plus compliqué le développement économique, du fait des sanctions.

Le gouvernement américain n’a pas relâché la pression et a annoncé de nouvelles sanctions économiques contre Pyongyang. Pourquoi ?

Pour l’instant, il n’y a pas de reprise du dialogue à proprement parler entre Pyongyang et Washington. Il n’y a pas de négociation, donc les Américains ne peuvent pas dire qu’ils vont faire des concessions. Leur objectif est de maintenir la pression jusqu’à l’ouverture des négociations.